du Monde_? demanda-t-il.
-- Non, monsieur.
-- Eh bien, nous trouverons dans la table alphabetique des
indications qui nous guideront."
Il la conduisit a l'armoire qui contenait cette table, et lui dit
de la chercher, ce qui demanda un certain temps; a la fin
cependant elle mit la main dessus.
"Que dois-je chercher? dit-elle.
-- A l'I, le mot Inde." *
Ainsi il suivait toujours sa pensee, et n'avait nullement l'idee
de vivre la vie des autres comme il avait semble en exprimer le
desir, car ce qu'il voulait certainement, c'etait vivre celle de
son fils, en lisant la description des pays ou il le faisait
rechercher.
"Que vois-tu? dis."
-- _L'Inde des Rajahs_, voyage dans les royaumes de l'Inde
centrale et dans la presidence du Bengale, 1871 squared, 209 a 288.
-- Cela veut dire que dans le deuxieme volume de 1871, a la page
209, nous trouverons le commencement de ce voyage; prends ce
volume et rentrons dans mon cabinet."
Mais quand elle eut atteint ce volume sur une planche basse, au
lieu de se relever, elle resta a regarder un portrait place au-
dessus de la cheminee, que ses yeux, qui peu a peu etaient
habitues a la demi obscurite, venaient d'apercevoir.
"Qu'as-tu?" demanda-t-il.
Franchement elle repondit, mais d'une voix emue:
"Je regarde le portrait place au-dessus de la cheminee.
-- C'est celui de mon fils a vingt ans, mais tu dois bien mal le
voir, je vais l'eclairer."
Allant a la boiserie, il pressa un bouton, et un foyer de petites
lampes place au haut du cadre et en avant du portrait l'inonda de
lumiere.
Perrine, qui s'etait relevee pour se rapprocher de quelques pas,
poussa un cri et laissa tomber le volume du Tour du Monde.
"Qu'as-tu donc?" dit-il.
Mais elle ne pensa pas a repondre, et resta les yeux attaches sur
le jeune homme blond, vetu d'un costume de chasse en velours vert,
coiffe d'une casquette haute a large visiere, appuye d'une main
sur un fusil et de l'autre flattant la tete d'un epagneul noir,
qui venait de jaillir du mur comme une apparition vivante. Elle
etait fremissante de la tete aux pieds, et un flot de larmes
coulait sur son visage, sans qu'elle eut l'idee de les retenir,
emportee, abimee dans sa contemplation.
Ce furent ces larmes qui, dans le silence qu'elle gardait,
trahirent son emoi.
"Pourquoi pleures-tu?"
Il fallait qu'elle repondit; par un effort supreme elle tacha de
se rendre maitresse de ses paroles, mais en les entendant elle
senti
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