vif emoi dans la contree et
meme une sorte d'agitation.
Les plus hostiles ont ete les logeurs, les cabaretiers, les
boutiquiers, qui ont crie a la ruine et a l'oppression: n'etait-ce
pas une injustice, un crime social qu'on vint leur faire
concurrence et les empecher de continuer leur commerce dans les
memes conditions qu'ils l'avaient toujours pratique, au mieux de
leurs interets, comme il convient a des hommes libres? Et de meme
que lors de la creation des usines, les fermiers s'etaient
insurges contre ces fabriques qui leur prenaient les ouvriers de
la terre, ou les obligeaient a hausser les salaires, les petits
commercants avaient joint leurs plaintes a celles des
cultivateurs; c'etait tout juste si, quand M. Vulfran passait par
les rues des villages en compagnie de Perrine, on ne les
poursuivait pas de huees comme des malfaiteurs: il n'etait donc
pas encore assez riche, le vieil aveugle, qu'il voulait ruiner le
pauvre monde! la mort de son fils ne lui avait donc pas mis un peu
de bonte, un peu de pitie au coeur! les ouvriers etaient donc
imbeciles de ne pas comprendre que tout cela n'avait d'autre but
que de les enchainer plus etroitement encore, et de leur reprendre
d'une main ce qu'on semblait leur donner de l'autre. Des reunions
s'etaient tenues ou l'on avait discute ce qu'il y avait a faire,
et dans lesquelles plus d'un ouvrier avait prouve qu'il n'etait
pas un imbecile comme tant d'autres de ses camarades.
Dans l'intimite meme de M. Vulfran, ou plutot dans sa famille, ces
reformes avaient provoque autant d'inquietudes que de critiques.
Devenait-il fou? Allait-il se ruiner, c'est a dire les ruiner? Ne
serait-il pas prudent de le faire interdire? Evidemment sa
faiblesse pour cette petite fille, qui faisait de lui ce qu'elle
voulait, etait une preuve de demence senile, que les tribunaux ne
pourraient pas ne pas peser. Et toutes les inimities s'etaient
concentrees sur cette dangereuse gamine qui ne savait pas ce
qu'elle faisait: qu'importait a cette fille l'argent follement
gaspille, ce n'etait pas le sien.
Heureusement pour la fille, elle se sentait soutenue contre cette
colere, dont elle recevait des coups directs ou indirects a chaque
instant, par des amities qui l'encourageaient et la
reconfortaient.
Comme toujours Talouel, courtisan du succes, s'etait range de son
cote: elle reussissait ce qu'elle entreprenait, elle faisait faire
a M. Vulfran tout ce qu'elle voulait, elle etait en butte a
l'hosti
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