a ces
discussions, jamais elle n'y melait son mot, mais elle y
assistait, et il eut fallu une stupidite reelle pour ne pas
comprendre qu'elle les preparait, les inspirait, et qu'en somme
c'etait la semence qu'elle avait jetee dans l'esprit ou dans le
coeur du maitre, qui germait et portait ses fruits.
Pas plus que Fabry, les ouvriers elus par leurs camarades ne
meconnaissaient le role de Perrine, et bien que dans leurs
conseils elle ne se fut jamais permis ni un mot, ni un signe, ils
savaient tres justement peser l'influence qu'elle exercait, et ce
n'etait pas pour eux un mince sujet de confiance et de fierte
qu'elle fut des leurs:
"Vous savez, elle a travaille aux cannetieres.
-- Est-ce que si elle ne sortait pas du travail, elle serait ce
qu'elle est?"
Il n'eut pas fait bon que devant ceux-la on parlat de la huer
quand elle traversait les rues des villages, les huees commencees
auraient ete vivement et violemment refoulees dans les gosiers.
Ce dimanche-la, justement Fabry, parti depuis plusieurs jours pour
une enquete dont M. Vulfran n'avait pas parle a Perrine, et qu'il
avait meme paru vouloir tenir secrete, etait attendu; le matin il
avait envoye de Paris une depeche ne contenant que ces quelques
mots:
"Renseignements complets, pieces officielles, arriverai midi."
Il etait midi et demi, et il n'arrivait pas, ce qui contrairement
a l'habitude avait provoque l'impatience de M. Vulfran,
d'ordinaire plus calme.
Son dejeuner acheve plus promptement que de coutume, il etait
rentre dans son cabinet avec Perrine, et a chaque instant il
allait a la fenetre ouverte sur les jardins pour ecouter.
"Il est etrange que Fabry n'arrive pas.
-- Le train aura eu du retard."
Mais il ne se rendait pas a cette raison et restait a la fenetre
d'ou elle eut voulu l'arracher, car il se passait dans les jardins
et dans le parc des choses dont elle ne voulait pas qu'il eut
connaissance; avec une activite plus qu'ordinaire les jardiniers
achevaient d'entourer de treillages les corbeilles de fleurs,
tandis que d'autres emportaient les plantes rares disseminees sur
les pelouses; les grilles d'entree etaient grandes ouvertes, et
au-dela du saut-de-loup, le Cercle des ouvriers etait pavoise de
drapeaux et d'oriflammes, qui claquaient dans la brise de mer.
Tout a coup il pressa le bouton d'appel pour son valet de chambre,
et quand celui-ci parut, il lui dit que si quelqu'un venait, il ne
recevrait personne.
Cet ordre
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