surprit d'autant plus Perrine que le dimanche
habituellement il recevait tous ceux qui voulaient l'entretenir,
petits ou grands, car tres avare en semaine de paroles qui font
perdre un temps appreciable en argent, il etait au contraire
volontiers bavard le dimanche, quand son temps et celui des autres
n'avaient plus la meme valeur.
Enfin un roulement de voiture se fit entendre dans le chemin des
entailles, c'est-a-dire celui qui vient de Picquigny:
"Voila Fabry", dit-il d'une voix qui parut alteree, anxieuse et
heureuse a la fois.
En effet, c'etait bien Fabry, qui entra vivement dans le cabinet:
lui aussi paraissait etre dans un etat extraordinaire, et le
regard qu'il jeta tout d'abord a Perrine la troubla sans qu'elle
sut pourquoi:
"Un accident de machine est cause de mon retard, dit-il.
-- Vous arrivez, c'est l'essentiel.
-- Ma depeche vous a prevenu.
-- Votre depeche, trop courte et trop vague, m'a donne des
esperances; ce sont des certitudes qu'il me faut.
-- Elles sont aussi completes que vous pouvez les desirer.
-- Alors parlez, parlez vite.
-- Le dois-je devant mademoiselle?
-- Oui, si elles sont ce que vous dites.
C'etait la premiere fois que Fabry, rendant compte d'une mission,
demandait s'il pouvait parler devant Perrine; et dans l'etat de
trouble ou elle se trouvait deja, cette precaution ne pouvait que
rendre plus violent encore l'emoi que les paroles de M. Vulfran et
de Fabry, leur agitation a l'un et a l'autre, le fremissement de
leurs voix, avaient provoque en elle.
-- Comme, l'avait bien prevu l'agent que vous aviez charge de
faire des recherches, dit Fabry qui parlait sans regarder Perrine,
la personne dont il avait perdu la trace plusieurs fois etait
venue a Paris; la, en compulsant les actes de deces, on a trouve
au mois de juin de l'annee derniere un acte au nom de Marie
Doressany, veuve de Edmond Vulfran Paindavoine. Voici une
expedition de l'acte.
Il la remit entre les mains tremblantes de M. Vulfran.
"Voulez-vous que je vous la lise?
-- Avez-vous verifie les noms?
-- Assurement.
-- Alors ne lisez pas; nous verrons plus tard, continuez.
-- Je ne m'en suis pas tenu a cet acte, poursuivit Fabry, j'ai
voulu interroger le proprietaire de la maison dans laquelle elle
est morte, qui se nomme Grain de Sel, j'ai vu aussi ceux qui ont
assiste a la mort de la pauvre jeune femme, une chanteuse des rues
appelee la Marquise, et la Carpe, un vieux cordonnier; c'est
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