igues et de degouts. Dix fois par jour il
decidait de l'abandonner, et s'il ne le faisait point, c'etait
dans l'esperance d'etre bientot maitre, seul maitre de cette
affaire considerable, et de pouvoir alors la mettre en actions, de
facon a la diriger de haut et de loin, surtout de loin, c'est-a-
dire de Paris, ou il se rattraperait enfin de ses miseres.
Quand Theodore avait commence a travailler avec son oncle, Casimir
n'avait que onze ou douze ans, et etait par consequent trop jeune
pour prendre une place a cote de son cousin. Mais pour cela sa
mere n'avait pas desespere qu'il put l'occuper un jour en
regagnant le temps perdu: ingenieur, Casimir du haut de l'X
dominerait M. Vulfran, en meme temps qu'il ecraserait de sa
superiorite officielle son cousin qui n'etait rien. C'etait donc
pour l'Ecole polytechnique qu'il avait ete chauffe, ne travaillant
que les matieres exigees pour les examens de l'ecole, et cela en
proportion de leur coefficient: 58 les mathematiques, 10 la
physique, 5 la chimie, 6 le francais. Et alors il s'etait produit
ce resultat facheux pour lui, que, comme a Maraucourt, les
vulgaires connaissances usuelles etaient plus utiles que l'X,
l'ingenieur n'avait pas plus domine l'oncle qu'il n'avait ecrase
le cousin. Et meme celui-ci avait garde l'avance que dix annees de
vie commerciale lui donnaient, car s'il n'etait pas savant, il en
convenait, au moins il etait pratique, pretendait-il, sachant bien
que cette qualite etait la premiere de toutes pour son oncle.
"Que diable peut-on bien leur apprendre d'utile, disait Theodore,
puisqu'ils ne sont pas seulement en etat d'ecrire clairement une
lettre d'affaires avec une orthographe decente?
-- Quel malheur, expliquait Casimir, que mon beau cousin s'imagine
qu'on ne peut pas vivre ailleurs qu'a Paris! quels services, sans
cela, il rendrait a mon oncle! mais qu'attendre de bon d'un
monomane qui, des le jeudi, ne pense qu'a filer le samedi soir a
Paris, disposant tout, derangeant tout dans ce but unique, et qui,
du lundi matin au jeudi, reste engourdi dans les souvenirs de la
journee du dimanche passee a Paris."
Les meres ne faisaient que developper ces deux themes en les
enjolivant; mais, au lieu de convaincre M. Vulfran, celle-ci que
Theodore seul pouvait etre son second, celle-la que Casimir seul
etait un vrai fils pour lui, elles l'avaient plutot dispose a
croire, de Theodore ce que disait la mere de Casimir, et de
Casimir ce que disait celle de T
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