Couche-te don la Noyelle."
Cette fois ce fut la main de M. Vulfran qui dit a Perrine qu'il
voulait sortir.
Elle rouvrit la porte, et ils redescendirent, tandis qu'un murmure
de voix les accompagnait.
Ce fut seulement dans la rue que M. Vulfran prit la parole:
"Tu as voulu me faire connaitre la chambree dans laquelle tu as
couche la premiere nuit de ton arrivee ici?
-- J'ai voulu que vous connaissiez une des nombreuses chambrees de
Maraucourt, et des autres villages ou couche tout un monde de vos
ouvriers: hommes, femmes, enfants, pensant que quand vous auriez,
respire leur air empoisonne pendant une minute seulement, vous
voudriez faire rechercher combien de pauvres gens il tue."
XXXIX
Il y avait treize mois, jour pour jour, qu'un dimanche, par un
temps radieux, Perrine etait arrivee a Maraucourt, miserable et
desesperee, se demandant ce qui allait advenir d'elle.
Le temps etait aussi radieux, mais Perrine et le village ne
ressemblaient en rien a ce qu'ils etaient l'annee precedente.
A la place ou elle avait passe la fin de sa journee, assise
tristement a la lisiere du petit bois qui couronne la colline,
tachant de se rendre compte de ce qu'etaient le village et les
usines etales au-dessous d'elle dans la vallee, se trouvent
maintenant des batiments en construction; un hopital en bon air,
en belle vue, qui dominera tout le pays et recevra les ouvriers
des usines de M. Vulfran qui habitent ou n'habitent pas
Maraucourt.
C'est de la qu'on peut le mieux suivre les transformations de la
contree, et elles sont extraordinaires, eu egard surtout au peu de
temps qui s'est ecoule.
Aux usines elles-memes il n'a pas ete apporte de changements bien
sensibles: ce qu'elles etaient, elles le sont toujours, comme si,
arrivees a leur complet developpement, elles n'avaient qu'a
continuer la marche reguliere de tout ce qui est rigoureusement
regle.
Mais a une courte distance de leur entree principale, la ou
autrefois s'effondraient de pauvres bicoques occupees par deux
garderies d'enfants du genre de celle de la Tiburce brulee
quelques mois auparavant, se montrent le toit flambant rouge et la
facade mi-partie rose, mi-partie bleue de la creche que M. Vulfran
a fait construire en achetant pour les raser ces vieilles masures
croulantes.
Sa facon de proceder avec leurs proprietaires a ete aussi nette
que franche: il les a fait venir et leur a explique que comme il
ne pouvait pas tolerer plus longtemps que le
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