nce cahotee?
Ne voulant pas donner son adresse, ce qui eut pu l'exposer a
toutes sortes de sollicitations plus ou moins malhonnetes, c'etait
celle de son banquier a Amiens que M. Vulfran avait indiquee;
c'etait donc celui-ci qui recevait les lettres que l'offre des
mille francs provoquait, et qui les transmettait a Maraucourt.
Mais de ces lettres assez nombreuses, pas une seule n'etait
serieuse; la plupart provenaient d'agents d'affaires, qui
s'engageaient a faire des recherches dont ils garantissaient le
succes, si on voulait bien leur envoyer une provision
indispensable aux premieres demarches; quelques-unes etaient de
simples romans qui se lancaient dans une fantaisie vague
promettant tout et ne donnant rien; d'autres enfin racontaient des
faits remontant a cinq, dix, douze ans; aucune ne se renfermait
dans les trois dernieres annees fixees par l'annonce, pas plus
qu'elle ne fournissait l'indication precise demandee.
C'etait Perrine qui lisait ces lettres ou les traduisait, et si
nulles qu'elles fussent generalement, elles ne decourageaient pas
M. Vulfran et n'ebranlaient pas sa foi:
"Il n'y a que l'annonce repetee qui produise de l'effet", disait-
il toujours.
Et sans se lasser, il repetait les siennes.
Un jour enfin une lettre datee de Serajevo en Bosnie apporta une
offre qui paraissait pouvoir etre prise en consideration: elle
etait en mauvais anglais, et disait que si l'on voulait deposer
les quarante livres promises par l'insertion du _Times_, chez un
banquier de Serajevo, on s'engageait a fournir des nouvelles
authentiques de M. Edmond Paindavoine remontant au mois de
novembre de la precedente annee: au cas ou l'on accepterait cette
proposition, on devait repondre poste restante a Serajevo sous le
numero 917.
"Eh bien, tu vois si j'avais raison, s'ecria M. Vulfran, c'est
pres de nous, le mois de novembre."
Et il montra une joie qui etait un aveu de ses craintes: c'etait
maintenant qu'il pouvait affirmer l'existence d'Edmond avec
preuves a l'appui et non plus seulement en vertu de sa foi
paternelle.
Pour la premiere fois depuis que ses recherches se poursuivaient,
il parla de son fils a ses neveux et a Talouel.
"J'ai la grande joie de vous annoncer que j'ai des nouvelles
d'Edmond; il etait en Bosnie au mois de novembre."
L'emoi fut grand quand ce bruit se repandit dans le pays. Comme
toujours en pareille circonstance on l'amplifia:
"M. Edmond va arriver!
-- Est ce possible?
--
|