t toute leur incoherence:
"C'est ce portrait... votre fils... vous son pere..."
Il resta un moment ne comprenant pas, attendant, puis avec un
accent que la compassion attendrissait:
"Et tu as pense au tien?
-- Oui, monsieur..., oui, monsieur.
-- Pauvre petite!"
XXXIII
Quelle surprise le lendemain matin, quand, en entrant dans le
cabinet de leur oncle pour le depouillement du courrier, les deux
neveux, toujours en retard, virent Perrine installee a sa table
comme si elle ne devait pas en demarrer!
Talouel s'etait bien garde de les prevenir, mais il s'etait
arrange de facon a se trouver la quand ils arriveraient, et a se
"payer leur tete".
Elle fut tout a fait drole, et par la rejouissante pour lui; car
s'il etait furieux de l'intrusion de cette mendiante, qui du jour
au lendemain, sans protection, sans rien pour elle, s'imposait a
la faiblesse senile d'un vieillard, au moins etait-ce une
compensation de voir que les neveux eprouvaient une fureur egale a
la sienne. Qu'ils etaient donc amusants en jetant sur elle des
regards impatients dans lesquels il y avait autant de colere que
de surprise! Evidemment ils ne comprenaient rien a sa presence
dans ce cabinet sacre, ou eux-memes ne restaient que juste le
temps necessaire pour ecouter les explications que leur oncle
avait a leur donner, ou pour rapporter les affaires dont ils
etaient charges. Et les coups d'oeil qu'ils echangeaient en se
consultant sans oser prendre un parti, sans meme oser risquer une
observation ou une question, le faisaient rire sans qu'il prit la
peine de leur cacher sa satisfaction et sa moquerie, car si une
guerre ouverte n'etait pas declaree entre eux, il y avait beaux
jours qu'ils savaient a quoi s'en tenir les uns et les autres sur
leurs sentiments reciproques nes des secretes esperances que
chacun nourrissait de son cote: Talouel contre les neveux; les
neveux contre Talouel; ceux-ci l'un contre l'autre.
Ordinairement Talouel se contentait de leur marquer son hostilite
par des sourires ironiques ou des silences meprisants sous une
forme de politesse humble, mais ce jour-la il ne put pas resister
a l'envie de leur jouer une comedie de sa facon qui lui donnerait
quelques instants d'agrement: ah! ils le prenaient de haut avec
lui parce qu'ils se croyaient tous les droits en vertu de leur
naissance, -- neveux bien au-dessus de directeur; l'un parce qu'il
etait fils d'un frere, l'autre fils d'une soeur du patron, tandis
que lu
|