donner le conseil de vous montrer discrete et reservee demain
avec la dame dont la visite vous est annoncee.
-- Discrete, a propos de quoi? reservee en quoi et comment?
-- Ce n'est pas seulement de votre instruction que je suis chargee
par M. Vulfran, c'est aussi de votre education, voila pourquoi je
vous adresse ce conseil, dans votre interet comme dans l'interet
de tous.
-- Je vous en prie, mademoiselle, expliquez-moi ce que je dois
faire, car je vous assure que je ne comprends pas du tout ce
qu'exige le conseil que vous me donnez, et tel qu'il est, il
m'effraie.
-- Bien que vous ne soyez, que depuis peu a Maraucourt, vous
devez, savoir que la maladie de M. Vulfran et la disparition de
M. Edmond sont une cause d'inquietude pour tout le pays.
-- Oui, mademoiselle, j'ai entendu parler de cela.
-- Que deviendraient les usines dont vivent sept mille ouvriers,
sans compter ceux qui vivent eux-memes de ces ouvriers, si
M. Vulfran mourait et si M. Edmond ne revenait pas? Vous devez
sentir que ces questions ne se sont pas posees sans eveiller des
convoitises. M. Vulfran en leguerait-il la direction a ses deux
neveux; ou bien a un seul qui lui inspirerait plus de confiance
que l'autre; ou bien encore a celui qui depuis vingt ans a ete son
bras droit et qui, ayant dirige avec lui cette immense machine,
est peut-etre plus que personne en situation et en etat de ne pas
la laisser pericliter? Quand M. Vulfran a fait venir son neveu
M. Theodore, on a cru qu'il designait ainsi celui-ci pour son
successeur. Mais quand l'annee derniere il a appele pres de lui
M. Casimir au moment ou celui-ci sortait de l'Ecole des ponts et
chaussees, on a compris qu'on s'etait trompe, et que le choix de
M. Vulfran ne s'etait encore fixe sur personne, par cette raison
decisive qu'il ne veut pour successeur que son fils, car malgre
les querelles qui les ont separes depuis plus de douze ans, c'est
son fils seul qu'il aime d'un amour et d'un orgueil de pere, et il
l'attend. M. Edmond reviendra-t-il? on n'en sait rien, puisqu'on
ignore s'il est vivant ou mort. Une seule personne recevait
probablement de ses nouvelles, comme M. Edmond en recevait de
cette personne qui n'etait autre que notre ancien cure M. l'abbe
Poiret; mais M. l'abbe Poiret est mort depuis deux ans, et
aujourd'hui il parait a peu pres certain qu'il est impossible de
savoir a quoi s'en tenir. Pour M. Vulfran, il croit, il est sur
que son fils arrivera un jour ou l'autre. Pou
|