as fixe sur le sort de son fils, il n'y
aurait pas de chance pour l'operation, et on la differerait. Plus
tard deviendrait-elle possible? On n'en savait rien, et l'on
resterait dans cette incertitude tant que par de bons soins l'etat
de M. Vulfran ne serait pas assez assure pour decider les
oculistes.
Mettre Mlle Belhomme sur le compte de M. Vulfran et la faire
parler etait en somme assez facile pour Perrine, mais il n'en
avait pas ete de meme lorsqu'elle avait voulu completer ce que la
conversation de Fabry et de Mombleux lui avait appris sur les
secretes esperances des neveux, aussi bien que sur celles de
Talouel. Ce n'etait point une sotte que l'institutrice, il s'en
fallait de tout, et elle ne se laisserait interroger ni
directement ni indirectement sur un pareil sujet.
Que Perrine fut curieuse de savoir ce qu'etait la maladie de
M. Vulfran, dans quelles conditions elle s'etait produite, et
quelles chances il y avait pour qu'il recouvrat la vue un jour ou
ne la recouvrat point, il n'y avait rien que de naturel et meme de
legitime a ce qu'elle se preoccupat de la sante de son
bienfaiteur.
Mais qu'elle montrat la meme curiosite pour les intrigues des
neveux et celles de Talouel, dont on parlait dans le village,
voila qui certainement ne serait pas admissible. Est-ce que ces
choses-la regardent les petites filles? Est-ce un sujet de
conversation entre une maitresse et son eleve? Est-ce avec des
histoires et des bavardages de ce genre qu'on forme le caractere
d'une enfant?
Elle aurait donc du renoncer a tirer quoi que ce fut de
l'institutrice a cet egard, si une visite a Maraucourt de
Mme Bretoneux, la mere de Casimir, n'etait venue ouvrir les levres
de Mlle Belhomme, qui seraient certainement restees closes.
Avertie de cette visite par M. Vulfran, Perrine en fit part a
Mlle Belhomme en lui disant que la lecon du lendemain serait peut-
etre derangee, et, du moment ou elle eut recu cette nouvelle,
l'institutrice montra une preoccupation tout a fait extraordinaire
chez elle, car c'etait une de ses qualites de ne se laisser
distraire par rien, et de tenir son eleve constamment en main
comme le cavalier qui doit faire franchir a sa monture un passage
perilleux tout plein de dangers.
Qu'avait-elle donc? Ce fut seulement peu de temps avant son depart
que Perrine eut une reponse a cette question qui vingt fois
s'etait posee a son esprit.
"Ma chere enfant, dit Mlle Belhomme en baissant la voix, je dois
vous
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