e animee. Tout a coup elle crut qu'il lui expliquait
qu'elle devait demander a M. Vulfran de lui faire la lecture; mais
comme elle avait deja eu cette idee, elle eut peur de traduire la
sienne plutot que celle de Bastien; cependant elle se risqua:
"Mais n'avez-vous pas besoin de moi, monsieur? Ne voulez-vous pas
que je vous fasse la lecture?"
Elle eut la satisfaction de voir Bastien l'applaudir par de grands
mouvements de tete: elle avait devine, c'etait bien cela qu'elle
devait dire.
"Il convient que quand on travaille, on ait ses heures de liberte,
repondit M. Vulfran.
-- Je vous assure que je ne suis pas fatiguee du tout.
-- Alors, dit-il, suis-moi dans mon cabinet."
C'etait une vaste piece sombre, qu'un vestibule separait de la
salle a manger, et a laquelle conduisait un chemin en toile qui
permettait a M. Vulfran de marcher franchement, puisqu'il ne
pouvait s'egarer et qu'il avait dans la tete comme dans les jambes
le juste sentiment des distances.
Perrine s'etait plus d'une fois demande a quoi M. Vulfran passait
son temps lorsqu'il etait seul, puisqu'il ne pouvait pas lire;
mais cette piece, lorsqu'il eut presse un bouton d'eclairage, ne
repondit rien a cette question; pour meubles, une grande table
chargee de papiers, des cartonniers, des sieges, et c'etait tout;
devant une fenetre un grand fauteuil voltaire, mais sans rien
autour. Cependant l'usure de la tapisserie qui le recouvrait
semblait indiquer que M. Vulfran devait y rester assis pendant de
longues heures, en face du ciel, dont il ne voyait meme pas les
nuages.
"Que me lirais-tu bien?" demanda-t-il.
Des journaux etaient sur la table enveloppes de leurs bandes
multicolores.
"Un journal, si vous voulez.
-- Moins on donne de temps aux journaux, mieux cela vaut."
Elle n'avait rien a repondre, n'ayant dit cela que pour proposer
quelque chose.
"Aimes-tu les livres de voyage? demanda-t-il.
-- Oui, monsieur.
-- Moi aussi; ils amusent l'esprit en le faisant travailler."
Puis, comme s'il se parlait a lui-meme, sans qu'elle fut la pour
l'entendre:
"Sortir de soi, vivre d'autres vies que la sienne."
Mais apres un moment de silence, revenant a elle:
"Allons dans la bibliotheque", dit-il.
Elle communiquait avec le cabinet, il n'eut qu'une porte a ouvrir
et, pour l'eclairer, qu'un bouton a pousser; mais comme une seule
lampe s'alluma, la grande salle aux armoires de bois noir resta
dans l'ombre.
"Connais-tu _le_ _Tour
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