r par Felix?
-- C'est qu'en passant je l'ai deposee au chateau, afin qu'elle
ait le temps de se preparer pour le diner.
-- Diner! Je suppose...."
Il etait tellement suffoque qu'il ne trouva pas tout de suite ce
qu'il devait supposer.
"Je suppose, moi, dit M. Vulfran, que vous ne savez que supposer.
-- Je suppose que vous la faites diner avec vous.
-- Parfaitement. Depuis longtemps je voulais avoir pres de moi
quelqu'un d'intelligent, de discret, de fidele, en qui je pourrais
avoir confiance. Justement cette petite fille me parait reunir ces
qualites: intelligente elle l'est, j'en suis sur; discrete et
fidele, elle l'est aussi, j'en ai la preuve."
Cela fut dit sans appuyer, mais cependant de facon que Talouel ne
put se meprendre sur le sens de ces paroles.
"Je la prends donc; et comme je ne veux pas qu'elle reste exposee
a certains dangers, -- non pour elle, car j'ai la certitude
qu'elle n'y succomberait pas, mais pour les autres, ce qui
m'obligerait a me separer de ces autres..."
Il appuya sur ce mot:
"... Quels qu'ils fussent, elle ne me quittera plus; ici elle
travaillera dans mon cabinet; pendant le jour elle m'accompagnera,
elle mangera a ma table, ce qui rendra moins tristes mes repas
qu'elle egayera de son babil, et elle habitera le chateau."
Talouel avait eu le temps de retrouver son calme, et comme il
n'etait ni dans son caractere, ni dans sa ligne de conduite de
faire formellement la plus legere opposition aux idees du patron,
il dit:
"Je suppose qu'elle vous donnera toutes les satisfactions, que
tres justement, il me semble, vous pouvez attendre d'elle.
-- Je le suppose aussi."
Pendant ce temps, Perrine, accoudee au balcon de sa fenetre,
revait en regardant la vue qui se deroulait devant elle: les
pelouses fleuries du jardin, les usines, le village avec ses
maisons et l'eglise, les prairies, les entailles dont l'eau
argentee miroitait sous les rayons obliques du soleil qui
s'abaissait, et vis-a-vis, de l'autre cote, le bouquet de bois ou
elle s'etait assise, le jour de son arrivee, et ou dans la brise
du soir elle avait entendu passer la douce voix de sa mere qui
murmurait: "Je te vois heureuse".
Elle avait pressenti l'avenir la chere maman, et les grandes
marguerites, traduisant l'oracle qu'elle leur dictait, avaient
aussi dit vrai: heureuse, elle commencait a l'etre; et si elle
n'avait pas encore reussi tout a fait, ni meme beaucoup, au moins
devait-elle reconnaitre qu'el
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