re.
-- Je t'ecoute."
Elle raconta exactement ce qui s'etait passe entre Theodore et
elle, sans un mot de plus, sans un de moins.
"C'est bien tout? demanda M. Vulfran lorsqu'elle fut arrivee au
bout.
-- Oui, monsieur, tout.
-- Et Talouel?"
Elle recommenca pour le directeur ce qu'elle avait fait pour le
neveu, aussi fidelement, en arrangeant seulement un peu ce qui
avait rapport a la maladie de M. Vulfran, de facon a ne pas
repeter "qu'une mauvaise nouvelle trop brusquement annoncee, sans
preparation pouvait le tuer". Puis, apres la premiere tentative de
Talouel, elle dit ce qui s'etait passe pour la depeche, sans
cacher le rendez-vous qui lui etait assigne a la fin de la
journee.
Tout a son recit, elle avait laisse Coco prendre le pas, et le
vieux cheval, abusant de cette liberte, se dandinait
tranquillement, humant la bonne odeur du foin seche que la brise
tiede lui soufflait aux naseaux, en meme temps qu'elle apportait
les coups de marteau du battement des faux qui lui rappelaient les
premieres annees de sa vie, quand, n'ayant pas encore travaille,
il galopait a travers les prairies avec les juments et ses
camarades les poulains, sans se douter alors qu'ils auraient a
trainer un jour des voitures sur les routes poussiereuses, a
peiner, a souffrir les coups de fouet et les brutalites.
Quand elle se tut, M. Vulfran resta assez longtemps silencieux, et
comme elle pouvait l'examiner sans qu'il sut qu'elle tenait les
yeux attaches sur lui, elle vit que son visage trahissait une
preoccupation douloureuse faite, semblait-il, d'autant de
mecontentement que de tristesse; enfin, il dit:
"Avant tout, je dois te rassurer; sois certaine qu'il ne
t'arrivera rien de mal pour tes paroles qui ne seront pas
repetees, et que si jamais quelqu'un voulait se venger de la
resistance que tu as honnetement opposee a ces tentatives, je
saurais te defendre. Au reste, je suis responsable de ce qui
arrive. Je les pressentais ces tentatives quand je t'ai recommande
de ne pas parler de cette lettre qui devait eveiller certaines
curiosites, et, des lors, je n'aurais pas du t'y exposer. A
l'avenir, il n'en sera plus ainsi. A partir de demain, tu
abandonneras le bureau de Bendit, ou l'on peut aller te trouver,
et tu occuperas dans mon cabinet, la petite table sur laquelle tu
as ecrit ce matin la depeche; devant moi on ne te questionnera
pas, je pense. Mais comme on pourrait le tenter en dehors des
bureaux, chez Francoise, a par
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