Traduis cela en anglais, et fais plutot plus court que plus long;
a 1 fr 60 le mot, il ne faut pas les prodiguer; ecris tres
lisiblement."
La traduction fut assez vivement achevee et elle la lut a haute
voix.
"Combien de mots? demanda-t-il.
-- En anglais quarante-cinq,"
Alors il calcula tout haut:
"Cela fait 72 francs pour la depeche, 32 pour la reponse; 104
francs en tout que je vais te donner; tu la porteras toi-meme au
telegraphe et la liras a la receveuse, pour qu'elle ne commette
pas d'erreur."
En traversant la veranda elle y trouva Talouel qui, les mains dans
les poches, se promenait la, de maniere a surveiller tout ce qui
se passait dans les cours aussi bien que dans les bureaux.
"Ou vas-tu? demanda-t-il.
-- Au telegraphe porter une depeche."
Elle la tenait d'une main et l'argent de l'autre; il la lui prit
en la tirant si fort que si elle ne l'avait pas lachee, il
l'aurait dechiree, et tout de suite il l'ouvrit. Mais en voyant
qu'elle etait en anglais, il eut un mouvement de colere.
"Tu sais que tu as a me parler tantot, dit-il.
-- Oui, monsieur."
Ce fut seulement a trois heures qu'elle revit M. Vulfran, quand il
la sonna pour partir. Plus d'une fois elle s'etait demandee qui
remplacerait Guillaume; sa surprise fut grande quand M. Vulfran
lui dit de prendre place a ses cotes, apres avoir renvoye le
cocher qui avait amene Coco.
"Puisque tu as bien conduit hier, il n'y a pas de raisons pour que
tu ne conduises pas bien aujourd'hui. D'ailleurs nous avons a
parler, et il vaut mieux pour cela que nous soyons seuls."
Ce fut seulement apres etre sortis du village ou sur leur passage
se manifesta la meme curiosite que la veille, et quand ils
roulerent doucement a travers les prairies ou la fenaison etait
dans son plein, que M. Vulfran, jusque-la silencieux, prit la
parole, au grand emoi de Perrine qui eut bien voulu retarder
encore le moment de cette explication si grosse de dangers pour
elle, semblait-il.
"Tu m'as dit que M. Theodore et M. Talouel etaient venus dans ton
bureau.
-- Oui, monsieur.
-- Que te voulaient-ils?"
Elle hesita, le coeur serre.
"Pourquoi hesites-tu? Ne dois-tu pas tout me dire?
-- Oui, monsieur, je le dois, mais cela n'empeche pas que
j'hesite.
-- On ne doit jamais hesiter a faire son devoir; si tu crois que
tu dois te taire, tais-toi; si tu crois que tu dois repondre a ma
question, car je te questionne, reponds.
-- Je crois que je dois repond
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