qu'elle me pardonne ce retard involontaire, et aussi de vous
ecrire en anglais; la connaissance imparfaite de votre belle
langue en est seule la cause."
Apres avoir ecrit cette phrase qui etait veritablement longue,
comme elle l'avait dit a M. Vulfran, et qui par cela seul
presentait de reelles difficultes pour etre mise au net, elle
s'arreta pour la relire et la corriger. Elle s'y appliquait de
toutes les forces de son attention quand la porte de son bureau,
qu'elle avait fermee, s'ouvrit devant Theodore Paindavoine qui
entra et lui demanda un dictionnaire anglais-francais.
Justement elle avait ce dictionnaire ouvert devant elle; elle le
ferma et le tendit a Theodore.
"Ne vous en serviez-vous pas? dit celui-ci en venant pres d'elle.
-- Oui, mais je peux m'en passer.
-- Comment cela?
-- J'en ai plus besoin pour l'orthographe des mots francais que
pour le sens des mots anglais, un dictionnaire francais le
remplacera tres bien."
Elle le sentait sur son dos, et bien qu'elle ne put pas voir ses
yeux n'osant pas se retourner, elle devinait qu'ils lisaient par-
dessus son epaule.
"C'est la lettre de Dakka que vous traduisez?"
Elle fut surprise qu'il connut cette lettre qui devait rester si
rigoureusement secrete. Mais tout de suite elle reflechit que
c'etait peut-etre pour la connaitre qu'il l'interrogeait, et cela
paraissait d'autant plus probable que le dictionnaire semblait
etre un pretexte: pourquoi aurait-il besoin d'un dictionnaire
anglais-francais puisqu'il ne savait pas un mot d'anglais?
"Oui, monsieur, dit-elle.
-- Et cela va bien cette traduction?"
Elle sentit qu'il se penchait sur elle, car il avait la vue basse;
alors vivement elle tourna son papier de facon a ce qu'il ne le
vit que de cote.
"Oh! je vous en prie, ne lisez pas, cela ne va pas du tout, je
cherche, ... c'est un brouillon.
-- Cela ne fait rien.
-- Si, monsieur, cela fait beaucoup, j'aurais honte."
Il voulut prendre la feuille de papier, elle mit la main dessus;
si elle avait commence a se defendre par un moyen detourne,
maintenant elle etait resolue a faire tete, meme a l'un des chefs
de la maison.
Il avait jusque-la parle sur le ton de la plaisanterie, il
continua:
"Donnez donc ce brouillon, est-ce que vous me croyez homme a faire
le maitre d'ecole avec une jolie jeune fille comme vous?
-- Non, monsieur, c'est impossible.
-- Allons donc."
-- Et il voulut le prendre en riant; mais elle resista.
"N
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