t homme redoutable
etablissait sa puissance, et quels moyens il employait; cependant
tout cela n'etait rien a cote de ce que revelait l'entretien
qu'elle venait d'entendre.
Qu'il voulut avoir l'autorite d'un tyran a cote, au-dessus meme de
M. Vulfran, cela elle le savait; mais qu'il esperat remplacer un
jour le tout-puissant maitre des usines de Maraucourt, et que
depuis longtemps il travaillat dans ce but, cela elle ne l'avait
pas imagine.
Et pourtant c'etait ce qui resultait de la conversation de
l'ingenieur et de Mombleux, en situation de savoir mieux que
personne ce qui se passait, de juger les choses et les hommes et
d'en parler.
Ainsi le _on_ qu'ils n'avaient pas autrement designe, devait
s'arranger pour remplacer par un autre l'espion qu'il venait de
perdre; mais cet autre c'etait elle-meme qui prenait la place de
Guillaume.
Comment allait-elle se defendre?
Sa situation n'etait-elle pas effrayante? Et elle n'etait qu'une
enfant, sans experience, comme sans appui.
Cette question elle se l'etait deja posee, mais non dans les memes
conditions que maintenant.
Et assise sur son lit, car il lui etait impossible de rester
couchee, tant son angoisse etait enervante, elle se repetait mot a
mot ce qu'elle avait entendu:
"Qui sait s'il n'a pas contribue a provoquer l'absence du disparu,
et a la faire durer.
-- La place qu'ont prise ceux qui doivent remplacer ce disparu,
est-elle aussi solidement occupee qu'on croit, et ne se fait-il
pas un travail souterrain pour les obliger a l'abandonner, soit en
les forcant a se retirer, soit en les faisant renvoyer?"
S'il avait cette puissance de faire renvoyer ceux qui semblaient
designes pour remplacer le maitre, que ne pourrait-il pas contre
elle qui n'etait rien, si elle essayait de lui resister, et se
refusait a devenir l'espionne qu'il voulait qu'elle fut!
Comment ne donnerait-elle pas barre sur elle?
Elle passa une partie de la nuit a agiter ces questions, mais
quand a la fin la fatigue la coucha sur son oreiller, elle n'en
avait vu que les difficultes sans leur trouver une seule reponse
rassurante.
XXX
La premiere occupation de M. Vulfran en arrivant le matin a ses
bureaux etait d'ouvrir son courrier, qu'un garcon allait chercher
a la poste et deposait sur la table en deux tas, celui de la
France et celui de l'etranger. Autrefois il decachetait lui-meme
toute sa correspondance francaise, et dictait a un employe les
annotations que chaque le
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