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s'evertue a decouvrir ou a refaire ce que ses peres ont souvent mieux
vu, qu'il est presque aussi aise en effet de decouvrir de nouveau les
choses que de les deterrer de dessous les monceaux croissants de livres
et de souvenirs; quand on veut reflechir sans fatigue sur bien des
suites de pensees vieillies ou qui seraient neuves encore, oh! qu'on
prenne alors un des volumes de Bayle et qu'on se laisse aller. Le bon et
savant Dugas-Montbel, dans les derniers mois de sa vie, avouait ne plus
supporter que cette lecture d'erudition digeree et facile. La lecture de
Bayle, pour parler un moment son style, est comme la collation legere
des _apres-disnees_ reposees et declinantes, la nourriture ou plutot le
_dessert_ de ces heures mediocrement animees que l'etude desinteressee
colore, et qui, si l'on mesurait le bonheur moins par l'intensite et
l'eclat que par la duree, l'innocence et la surete des sensations,
pourraient se dire les meilleures de la vie[135].
Decembre 1835.
[Note 134: Dans une note du _Journal des Savants_ (juin 1836), M.
Daunou, en jugeant avec une indulgence qui nous honore cet article sur
Bayle, a trouve que son Dictionnaire, principal titre de sa renommee,
n'avait pas obtenu ici l'attention qu'il meritait. Ce n'est pas en effet
en lisant ce Dictionnaire qu'on apprend a l'apprecier, c'est en s'en
servant. Un homme d'esprit a compare drolement le Dictionnaire de Bayle,
ou le texte disparait sous les notes, a ces petites boutiques
ambulantes lentement trainees par un petit ane qui disparait sous la
multitude de jouets et de marchandises de toutes sortes etalees sur
chaque point aux regards des passants: ce petit ane, c'est le texte.]
[Note 135: On ne sera pas fache de lire ici l'opinion de La Fontaine
sur Bayle; elle est digne de tous deux. On la trouve a la fin d'une
lettre a M. Simon de Troyes, dans laquelle il decrit a cet ami un diner
et la conversation qu'on y tint (fevrier 1686):
Aux journaux de Hollande il nous fallut passer;
Je ne sais plus sur quoi; mais on fit leur critique.
Bayle est, dit-on, fort vif; et, s'il peut embrasser
L'occasion d'un trait piquant et satirique,
Il la saisit, Dieu sait, en homme adroit et fin:
Il trancheroit sur tout, comme enfant de Calvin,
S'il osoit; car il a le gout avec l'etude.
Le Clerc pour la satire a bien moins d'habitude;
Il paroit circonspect; mais attendons la fin.
Tout faiseur de journaux doit tribut au malin.
Le Clerc
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