de Petrarque et de Boccace, a
cette epoque de grande et serieuse renaissance, lorsqu'il s'agissait
tout ensemble de retrouver l'antiquite et de fonder le moderne avenir
litteraire, le but des rapprochements etait haut, varie, le moyen
indispensable, et le resultat heureux, tandis qu'au XVIe siecle il
n'etait plus question que d'une flatteuse recreation du coeur et de
l'esprit, propice sans doute encore au developpement de certaines
imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant
deja de bien pres aux abus des academies pedantes, a la corruption des
_Guarini_ et des _Marini_. Ce qui avait eu lieu en Italie se refleta par
une imitation rapide dans toutes les autres litteratures, en Espagne, en
Angleterre, en France; partout des groupes de poetes se formerent,
des ecoles artificielles naquirent, et on complota entre soi pour des
innovations chargees d'emprunts. En France, Ronsard, Du Bellay, Baif,
furent les chefs de cette ligue poetique, qui, bien qu'elle ait echoue
dans son objet principal, a eu tant d'influence sur l'etablissement de
notre litterature classique. Les traditions de ce culte mutuel, de cet
engouement idolatre, de ces largesses d'admiration puisees dans un fonds
d'enthousiasme et de candeur, se perpetuerent jusqu'a mademoiselle de
Scudery, et s'eteignirent a l'hotel de Rambouillet. Le bon sens qui
succeda, et qui, grace aux poetes de genie du XVIIe siecle, devint un
des traits marquants et populaires de notre litterature, fit justice
d'une mode si fatale au gout, ou du moins ne la laissa subsister que
dans les rangs subalternes des rimeurs inconnus. Au XVIIIe siecle,
la philosophie, en imprimant son cachet a tout, mit bon ordre a ces
recidives de tendresse auxquelles les poetes sont sujets si on les
abandonne a eux-memes; elle confisqua d'ailleurs pour son propre compte
toutes les activites, toutes les effervescences, et ne sut pas elle-meme
en separer toutes les manies. En fait de ridicule, le pendant de l'hotel
de Rambouillet ou des poetes a la suite de la Pleiade, ce serait au
XVIIIe siecle La Mettrie, d'Argens et Naigeon, _le petit ouragan
Naigeon_, comme Diderot l'appelle, dans une debauche d'atheisme entre
eux.
[Note 163: Cet article avait d'abord ete ecrit pour _le Livre des Cent
et Un_. On y repondait indirectement et sans amertume a un article _de
la Camaraderie litteraire_ qui fit du bruit dans le temps, et que le
tres-spirituel auteur (M. de Latouche) me permettra de qualifi
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