organe le plus exquis des commentateurs, il l'avait encore
arme d'une loupe grossissante qui ne se fixait plus decidement que
sur les _infiniment petits_ de la grammaire. "M. le chevalier Croft,
ecrivait de lui Nodier emancipe dans un article un peu railleur, peut se
dire hautement l'Epicure de la syntaxe et le Leibnitz du rudiment; il a
trouve l'atome, la monade grammaticale...." Quand il s'appliquait a un
classique, sous pretexte de l'eclaircir, il y piquait de tous points
ses vrilles imperceptibles et petit a petit destructives, presque comme
celles des insectes rongeurs particuliers aux bibliotheques. Son analyse
pointilleuse pretendait mettre a nu, par exemple, dans telle periode
de Massillon (car sir Herbert travaillait beaucoup sur nos auteurs
francais), une quantite determinee de _consonnances_ et d'_assonnances_
qu'une eloquence harmonieuse sait trouver d'elle-meme, mais qu'elle
derobe a la critique et qu'a ce degre de rigueur elle ne calcule jamais.
Ce fut durant la participation de Nodier, comme secretaire, aux travaux
du chevalier, que celui-ci fit paraitre son _Horace eclairci par la
ponctuation_, ouvrage curieux et subtil, dont le titre seul promet,
parmi les hasards de la conjecture, bien des apercus piquants. A ses
profondes preoccupations erudites, sir Herbert joignait par accident
certaines vues libres, romantiques, comme des ressouvenirs du biographe
d'Young. Il fut le premier a tirer d'un entier oubli _le dernier Homme_
de Granville, _cette admirable ebauche d'epopee_, s'ecriait Nodier,
_et qui fera la gloire d'un plagiaire heureux_. On voit par combien de
points vifs devaient se toucher d'abord le jeune secretaire et le vieux
maitre.
[Note 179: Au tome Ier, page 205, et au tome II, page 429, des
_Melanges de Litterature et de Critique_ de Charles Nodier, recueillis
par Barginet (de Grenoble), 1820.]
L'association ne dura pas aussi longtemps qu'on aurait pu croire. Apres
une annee environ, l'amour de l'independance et la passion de l'histoire
naturelle ramenerent Nodier dans son village de Quintigny. Il s'etait
marie, il allait etre pere: de nouveaux projets commencaient. Pourtant
les relations avec le chevalier porterent leur fruit; cette veine
d'etudes philologiques aboutit en 1811 au livre ingenieux des _Questions
de Litterature legale_. Il faut tout dire: le bon chevalier Croft, qui
n'etait pas tout a fait sir Grove, se montra un peu jaloux de son eleve
et du succes de cette _brochure populair
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