s apres l'_Epitre au Roi_ ou
l'_Iphigenie_, on sent qu'il a son idiome propre, ses modeles a part et
ses predilections secretes. Il est fort facile et fort vrai de dire que
La Fontaine se penetra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit
avec originalite; mais de Marot et de Rabelais a La Fontaine il n'y a
pas moins de cent ans d'intervalle; et, quelque vive sympathie de
talent et de gout qu'on suppose entre eux et lui, une si parfaite et
si naturelle analogie de maniere, a cette longue distance, a besoin
d'explication, bien loin d'en pouvoir servir. Sans doute il a du
trouver en des temps plus voisins quelque descendant de ces vieux et
respectables maitres, qui l'aura introduit dans leur familiarite: car
l'idee ne lui serait jamais venue de _restituer_ immediatement leur
_faire_ et leur _dire_, ainsi que l'a tente de nos jours le savant
et ingenieux Courier. Ce n'etait pas a beaucoup pres un travailleur
opiniatre ni un erudit que La Fontaine, ni encore moins un investigateur
de manuscrits, comme on l'a recemment avance[196], et il employait ses
nuits a tout autre chose qu'a feuilleter de poudreux auteurs, ou a palir
sur Platon et Plutarque, que d'ailleurs il aimait fort a lire durant
le jour. Aussi, en publiant ses savantes recherches sur nos anciennes
fables, M. Robert a grand soin d'avertir qu'il ne pretend nullement
indiquer les sources ou notre immortel fabuliste a puise: "Je suis bien
persuade, dit-il, que la plupart lui ont ete totalement inconnues." Un
tel aveu dans la bouche d'un commentateur est la preuve d'un excellent
esprit. Avant de parler du travail important de M. Robert, nous
essaierons, en profitant largement de sa science aussi bien que de celle
de M. Walckenaer, d'exposer avec precision quelles furent, selon nous,
l'education et les etudes de La Fontaine, quelles sortes de traditions
litteraires lui vinrent de ses devanciers, et passerent encore a
plusieurs poetes de l'age suivant.
[Note 196: C'est surtout Victorin Fabre qui soutenait cette these: il
avait interet a voir en toutes choses le laborieux.]
Et, d'abord, on a droit de regarder comme non avenus, par rapport a La
Fontaine et a son epoque, les anciens poemes francais anterieurs a la
decouverte de l'imprimerie, si l'on excepte le _Roman de la Rose,_ dont
le souvenir s'etait conserve, grace a Marot, durant le XVIe siecle, et
qu'on lisait quelquefois ou que l'on citait du moins. L'imprimerie, en
effet, fut employee dans l'origine a fi
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