iller sans besoin, a y ronger avec
delices. Il a pousse en ce sens le Bayle et le Montaigne a leurs
extremes consequences; ce ne sont plus que miettes friandes.
[Note 180: Chez Techener.]
Les esprits fermes, a regime sain, qui n'ont jamais eu de degout
indolent ni de caprice, les esprits applicables, d'appetit judicieux,
empresses de mordre d'abord a quelque piece de bonne digestion, pourront
se demander souvent a quoi bon ces raffinements de coup d'oeil sur des
riens, ces jeux de l'ongle sur des ecorces, ces degustations exquises
sur le plus rare des _Ana_; a quoi bon de savoir si la _sphere_ au
frontispice est un insigne tout special des Elzevirs, et si leur large
guirlande de _roses tremieres_ ne leur a pas ete en maint cas derobee.
Les esprits meme les plus en delicatesse de litterature pourront
desirer quelquefois plus de circonspection et de severite dans certains
jugements qui atteignent des noms connus: ainsi, M. de La Rochefoucauld
n'est pas formellement accuse, a l'article IV des _Questions_, d'etre
un plagiaire de Corbinelli; mais cette singuliere accusation, une fois
soulevee, n'est pas non plus refutee et reduite a neant, comme il
l'aurait fallu. Pascal, a l'article V, demeure hautement accuse d'avoir
pille Montaigne; son plagiat est meme proclame le plus evident et le
plus _manifestement intentionnel_ que l'on connaisse, et l'on oublie
que Pascal, mort depuis plusieurs annees lorsqu'on recueillit et qu'on
publia ses _Pensees_, ne peut repondre des petits papiers qu'on y insera
et qui, pour lui, n'etaient que des notes dont il se reservait l'usage.
Ses pieux amis, les editeurs, plus verses dans saint Augustin que dans
Montaigne, ne s'apercurent pas qu'ils avaient affaire par endroits a des
extraits de ce dernier, et negligerent naturellement d'en avertir. On
aurait a multiplier les remarques de ce genre a propos de la critique
de notre ingenieux et poetique erudit. Un jour, dans un article sur le
cardinal de Retz, il lui appliquera je ne sais quel mot de celui qu'il
appelle tout a coup _le sage et vertueux Balzac_, oubliant trop que cet
estimable ecrivain n'etait pas le moins du monde un philosophe ni un
sage, mais bien un utile pedant doue de nombre, sous qui notre prose a
fait et double une excellente rhetorique: voila tout.
Dans le plus suivi et le plus philosophique de ses jeux erudits, dans
ses _Elements de Linguistique_, Nodier a developpe un systeme entier
de formation des langues, l'histoire im
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