itteraire_ sans doute, mais l'esprit meme, l'inspiration qui
caracterisent cette nature particuliere n'y est pas. Tout homme ne
litteraire aime avant tout les lettres pour elles-memes; il les aime
pour lui, selon la veine de son caprice, selon l'attrait de sa chimere:
_Quem tu Melpomene semel_. Il laisse la foule, si elle lui deplait, et
s'en va egarer ses belles annees dans les sentiers. Les sujets qu'il
choisit, et sur lesquels sa verve le plus souvent s'exerce, ne lui
arrivent point par le bruit du dehors et comme un echo de l'opinion
populaire; ils tiennent plutot a quelque fibre de son coeur, ou il ne
les demande qu'a l'echo des bois. Ce sont parfois des poursuites, des
entrainements singuliers dont les hommes positifs, les esprits judicieux
et qui ne songent qu'a arriver ne se rendent pas bien compte, et
auxquels ils sourient non sans quelque pitie. Patience! tout cela un
jour s'acheve et se compose. Cet interet qui manquait d'abord au sujet,
le talent le lui imprime, et il le cree pour ceux qui viennent apres
lui. Ce qui n'existait pas auparavant va dater de ce jour-la, et l'elite
des generations humaines saura le gouter. Qui donc plus que Nodier a
prodigue en litterature, meme en critique, ces creations piquantes,
imprevues, non point si passageres qu'on pourrait le croire? elles
s'ajouteront au depot des pieces curieuses et delicates, dont les
connaisseurs futurs, les Nodier de l'avenir s'occuperont.
Nous disons que Nodier fut toujours le meme jusqu'a la fin, toujours le
Nodier des jeunes annees; nous devons faire remarquer pourtant que sa
vie litteraire se peut diviser en deux parts sensiblement differentes.
Il ne vint s'etablir a Paris qu'au commencement de la Restauration, et,
pendant ces annees politiques ardentes, il n'aurait point fallu demander
a cette imagination si vive le calme souriant ou nous l'avons vu depuis.
En usant alors a la hate ce surplus des passions dont le milieu de
la vie se trouve souvent comme embarrasse, il se preparait a cette
indifference du sage, a cette bienveillance finale, inalterable, a peine
aiguisee d'une legere ironie. Fixe a l'Arsenal depuis 1824, il put, pour
la premiere fois, y asseoir un peu son existence, si longtemps battue
par l'orage; sa maturite d'ecrivain date de la. Il etait de ces natures
excellentes qui, comme les vins genereux, s'ameliorent et se bonifient
encore en avancant. Plus sa destinee continua depuis ce premier moment
de s'etablir et de se consolider, p
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