bstina jusqu'au bout a parler de Pichegru
comme d'une pure victime, comme d'un bon Francais et d'un loyal
defenseur du sol, il fut moins fidele a l'information de l'histoire qu'a
la reconnaissance et au pieux desir.
Pendant la Terreur probablement, un M. Girod de Chantrans, ancien
officier du genie, force de quitter Besancon par suite du decret qui
interdisait aux ci-devant nobles le sejour dans les places de guerre,
alla habiter Novilars, chateau a deux lieues de la; il emmena le jeune
Nodier avec lui. C'etait un savant, un sage, une espece de Linne
bisontin. Il donna a l'enfant des lecons de mathematiques et d'histoire
naturelle, mais l'eleve ne mordit qu'a cette derniere. C'est la qu'il
commenca ses etudes entomologiques, ses collections, s'attachant aux
coleopteres particulierement: il y acquit des connaissances reelles,
decouvrit l'organe de l'ouie chez les insectes: une dissertation publiee
a Besancon en l'an VI (1798) en fait foi. M. Dumeril confirma depuis
cette opinion, ou meme, selon son jeune et jaloux devancier, s'en
empara: il y eut reclamation dans les journaux[167]. Des ce temps, Nodier
avait commence un poeme sur les charmants objets de ses etudes; on
en citait de jolis vers que quelques memoires, en le voulant bien,
retrouveraient peut-etre encore. Je n'ai pu saisir que les deux
premiers:
Hotes legers des bois, compagnons des beaux jours,
Je dirai vos travaux, vos plaisirs, vos amours...
[Note 167: On peut voir dans la _Decade_, 3e trimestre de l'an XII, p.
377, une lettre de Charles Nodier, de laquelle il resulte cependant que
M. Dumeril, loin de s'emparer de l'observation de son devancier, l'avait
negligee et n'en avait pas tenu compte. L'exactitude est bien difficile
a obtenir, en tout ce qui concerne Charles Nodier,--surtout si l'on a
cause avec lui.]
Mais qu'est-il besoin de poeme? ne l'avons-nous pas dans _Seraphine_,
aussi vif, aussi frais, aussi matinal et diapre que les ailes de ces
papillons sans nombre que l'auteur decrit amoureusement et qu'il etale?
Quand on est poete, quand la lumiere se joue dans l'atmosphere sereine
de l'esprit ou en colore a son gre les transparentes vapeurs, il n'est
que mieux d'attendre pour peindre, de laisser la distance se faire, les
rayons et les ombres s'incliner, les horizons se dorer et s'amollir.
Tous ces _Souvenirs_ enchanteurs de Nodier, qui commencent par
_Seraphine_, ont pour muse et pour fee, non pas le _Souvenir_ meme,
beaucoup trop precis e
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