ur et le plus ingenieux des sceptiques, ne
voudra-t-il pas rehabiliter Cyrano? il appellera Perrault un autre
Homere.
Jeune, deux choses entre autres le sauverent et permirent qu'a la fin,
arrive a son tour, repose ou du moins assis, et comptant devant lui les
debris amasses, il se fit une richesse. Et d'abord, si sincere qu'il se
montrat dans le transport d'expression de ses douleurs juveniles, il
etait trop poete pour que son imagination, a certains moments, ne les
lui exagerat point beaucoup, et, a d'autres moments aussi, ne les
vint pas distraire et presque guerir. Sa sensibilite, temperee par la
fantaisie, ne prenait pas le malheur dans un serieux aussi continu que
de loin on pourrait le croire. Et par exemple, en ce temps meme du
_Peintre de Saltzbourg_, il ecrivait _le dernier Chapitre de mon Roman_,
reminiscence tres-egayee d'une generation legere qui avait eu, comme il
l'a tres-bien dit, _Faublas_ pour _Telemaque_. J'aime peu a tous egards
ce _dernier Chapitre_, si spirituel qu'il soit; il rappelle trop son
modele par des cotes non-seulement scabreux, mais un peu vulgaires. Je
ne sais en ce genre-la de vraiment delicat que le petit conte: _Point
de Lendemain_, de Denon, qu'on peut citer sans danger, puisqu'on ne
trouvera nulle part a le lire[173]. Mais dans ce _dernier Chapitre_, la
melancolie etait raillee, et il y etait fait justice des Werthers a la
mode, de facon a rassurer contre les autres ecrits de l'auteur lui-meme.
Il ne manque souvent a l'ardeur fievreuse de la jeunesse et a ces
fumeuses exaltations de tete, qu'une soupape de surete qui empeche
l'explosion et retablisse de temps en temps l'equilibre: _le dernier
Chapitre de mon Roman_ prouverait qu'ici, des l'origine, cette espece de
garantie etait trouvee.
[Note 173: Paris, 1812, Didot l'aine: tire a tres peu d'exemplaires.]
Mais ce qui sauva surtout Nodier et le lira hors de pair d'entre tous
ces faux modeles secondaires auxquels il faisait trop d'honneur en s'y
attachant, et qui ne devaient bientot plus vivre que par lui, c'est tout
simplement le talent, le don, le jeu d'ecrire, la faculte et le bonheur
d'exprimer et de peindre, une plume riche, facile, gracieuse et vraiment
charmante, et le plaisir qu'il y a, quand on en est maitre, a laisser
courir tout cela.
On peut se donner l'agrement, et j'y invite, de lire dans _Trilby_, des
la troisieme ou quatrieme page, une certaine phrase infinie qui commence
par ces mots: "Quand Jeannie, de reto
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