ignement dans les cours
augustes des hommes de l'antiquite. Ce que le severe historien a si
hautement compris, le poete surtout le doit faire; c'est dans
ce recueillement des nuits, dans ce commerce salutaire avec les
imperissables maitres, qu'il peut retrouver tout ce que les frottements
et la poussiere du jour ont enleve a sa foi native, a sa blancheur
privilegiee. La il rencontre, comme Dante au vestibule de son Enfer, les
cinq ou six poetes souverains dont il est epris; il les interroge, il
les entend; il convoque leur noble et incorruptible ecole (_la bella
scuola_), dont toutes les reponses le raffermissent contre les disputes
ambigues des ecoles ephemeres; il eclaircit, a leur flamme celeste, son
observation des hommes et des choses; il y epure la realite sentie dans
laquelle il puise, la separant avec soin de sa portion pesante, inegale
et grossiere; et, a force de s'envelopper de _leurs saintes reliques_,
suivant l'expression de Chenier, a force d'etre attentif et fidele a la
propre voix de son coeur, il arrive a creer comme eux selon sa mesure,
et a meriter peut-etre que d'autres conversent avec lui un jour.
1831.
CHARLES NODIER[165]
[Note 165: Au moment ou cette reimpression (1844) s'acheve, la mort,
qui se hate, nous permet d'y faire entrer ces pages, qui ne sont plus
consacrees a un vivant: _inter Divos habitus_.--(Seulement, pour eviter
la disproportion entre les volumes, on a mis a la fin du tome premier ce
que l'ordre naturel eut fait placer a la fin du second.)]
Le titre de _litterateur_ a quelque chose de vague, et c'est le seul
pourtant qui definisse avec exactitude certains esprits, certains
ecrivains. On peut etre litterateur, sans etre du tout historien, sans
etre decidement poete, sans etre romancier par excellence. L'historien
est comme un fonctionnaire officiel et grave, qui suit ou fraye les
grandes routes et tient le centre du pays. Le poete recherche les
sentiers de traverse le plus souvent; le romancier s'oublie au cercle du
foyer, ou sur le banc du seuil devant, lequel il raconte. Les livres et
les _belles-lettres_ peuvent n'etre que fort secondaires pour eux, et
l'historien lui-meme, qui s'en passe moins aisement, y voit surtout
l'usage positif et severe. On peut etre litterateur aussi, sans devenir
un erudit critique a proprement parler; le metier et le talent d'erudit
offrent quelque chose de distinct, de precis, de consecutif et de
rigoureux. Un litterateur, dans le sens vag
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