de la politesse et
des graces meme quand il vouloit, mais il vouloit tres-rarement...
Sa ferocite etoit extreme, et se montroit en tout. C'etoit une meule
toujours en l'air, qui faisoit fuir devant elle, et dont ses amis
n'etoient jamais en surete, tantot par des insultes extremes, tantot par
des plaisanteries cruelles en face, etc." A l'annee 1697, il raconte
comment, tenant les Etats de Bourgogne a Dijon a la place de M. le
Prince son pere, M. le Duc y donna un grand exemple de l'amitie des
princes et une bonne lecon a ceux qui la recherchent. Ayant un soir, en
effet, pousse Santeul de vin de Champagne, il trouva plaisant de verser
sa tabatiere de tabac d'Espagne dans un grand verre de vin et le lui
offrit a boire; le pauvre _Theodas_ si naif, si ingenu, si bon
convive et plein de verve et de bons mots, mourut dans d'affreux
vomissements[140]. Tel etait le petit-fils du grand Conde et l'eleve de La
Bruyere. Deja le poete Sarasin etait mort autrefois sous le baton d'un
Conti dont il etait secretaire. A la maniere energique dont Saint-Simon
nous parle de cette race des Condes, on voit comment par degres en elle
le heros en viendra a n'etre plus que quelque chose tenant du chasseur
ou du sanglier. Du temps de La Bruyere, l'esprit y conservait une grande
part; car, comme dit encore Saint-Simon de Santeul, "M. le Prince
l'avoit presque toujours a Chantilly quand il y alloit; M. le Duc le
mettoit de toutes ses parties, c'etoit de toute la maison de Conde a qui
l'aimoit le mieux, et des assauts continuels avec lui de pieces d'esprit
en prose et en vers, et de toutes sortes d'amusements, de badinages et
de plaisanteries." La Bruyere dut tirer un fruit inappreciable, comme
observateur, d'etre initie de pres a cette famille si remarquable alors
par ce melange d'heureux dons, d'urbanite brillante, de ferocite et de
debauche[141]. Toutes ses remarques sur les _heros_ et les _enfants des
Dieux_ naissent de la: il y a toujours dissimule l'amertume: "Les
enfants des Dieux, pour ainsi dire, se tirent des regles de la nature et
en sont comme l'exception. Ils n'attendent presque rien du temps et des
annees. Le merite chez eus devance l'age. Ils naissent instruits, et ils
sont plus tot des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de
l'enfance." Au chapitre des _Grands_, il s'est echappe a dire ce qu'il
avait du penser si souvent: "L'avantage des Grands sur les autres hommes
est immense par un endroit: je leur cede leur bonne chere
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