ui brouillaient ses livres et ses papiers. La perte de sa
chaire, en 1693, lui fut moins facheuse a supporter qu'il n'aurait
semble, et, dans la moderation de ses gouts, il y vit surtout l'occasion
de loisir et d'etude libre qui lui en revenait; il se felicite presque
d'echapper aux conflits, cabales et _entremangeries professorales_ qui
regnent dans toutes les academies.
[Note 125: Bayle a-t-il ete l'amant de madame Jurieu, comme l'ont dit
les malins, et comme on le peut lire page 334, t. 1er des _Nouveaux
Memoires d'Histoire, de Critique et de Litterature_, par l'abbe
d'Arligny? Grande question sur laquelle les avis sont partages. (Voir
les memes _Memoires_, t. VII, page 47.)]
En tete d'une des lettres de sa _Critique generale_, Bayle nous dit
avoir remarque, des ses jeunes ans, _une chose qui lui parut bien
jolie et bien imitable_, dans l'_Histoire de l'Academie francaise_ de
Pelisson: c'est que celui-ci avait toujours plus cherche, en lisant
un livre, l'esprit et le genie de l'auteur que le sujet meme qu'on y
traitait. Bayle applique cette methode au Pere Maimbourg; et nous, au
milieu de tous ces ouvrages si _bigarres de pensees_, de ces ouvrages
pareils a des _rivieres qui serpentent_, nous appliquerons la methode
a Bayle lui-meme, nous occupant de sa personne plus que des objets
nombreux ou il se disperse[126].
[Note 126: Sur le caractere de Bayle, on peut lire quelques pages
agreables de D'Israeli _Curiosities of Literature_, t. III.]
Bayle, d'apres ce qu'on vient de voir, a toujours tres-peu reside a
Paris, malgre son vif desir. Il y passa quelques mois comme precepteur,
en 1675; il y vint quelquefois pendant ses vacances de Sedan; il y resta
dans l'intervalle de son retour de Sedan a son depart pour Rotterdam:
mais on peut dire qu'il ne connut pas le monde de Paris, la belle
societe de ces annees brillantes; son langage et ses habitudes s'en
ressentent d'abord. Cette absence de Paris est sans doute cause que
Bayle parait a la fois en avance et en retard sur son siecle, en retard
d'au moins cinquante ans par son langage, sa facon de parler, sinon
provinciale, du moins gauloise, par plus d'une phrase longue,
interminable, a la latine, a la maniere du XVIe siecle, a peu pres
impossible a bien ponctuer[127]; en avance par son degagement d'esprit et
son peu de preoccupation pour les formes regulieres et les doctrines que
le XVIIe siecle remit en honneur apres la grande anarchie du XVIe.
De Toulouse a Geneve,
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