_ le Comte de Gabalis_, l'_Iphigenie_ et sa preface
qu'il aime presque autant que la piece, a cote de _Circe_, opera a
machines. En rendant compte de la reception de Boileau a l'Academie,
il trouve que "M. Boileau est d'un merite si distingue qu'il eut ete
difficile a messieurs de l'Academie de remplir aussi avantageusement
qu'ils ont fait la place de M. de Bezons." On le voit, Bayle est
un veritable republicain en litterature. Cet ideal de tolerance
universelle, d'anarchie paisible et en quelque sorte harmonieuse, dans
un Etat divise en dix religions comme dans une cite partagee en diverses
classes d'artisans, cette belle page de son _Commentaire philosophique_,
il la realise dans sa republique des livres, et, quoiqu'il soit plus
aise de faire s'_entre-supporter_ mutuellement les livres que les
hommes, c'est une belle gloire pour lui, comme critique, d'en avoir su
tant concilier et tant gouter.
Un des ecueils de ce gout si vif pour les livres eut ete l'engouement et
une certaine idee exageree de la superiorite des auteurs, quelque chose
de ce que n'evitent pas les subalternes et caudataires en ce genre,
comme Brossette. Bayle, sous quelque dehors de naivete, n'a rien de
cela. On lui reprochait d'abord d'etre trop prodigue de louanges; mais
il s'en corrigea, et d'ailleurs ses louanges et ses respects dans
l'expression envers les auteurs ne lui deroberent jamais le fond. Son
bon sens le sauva, tout jeune, de la superstition litteraire pour les
illustres: "J'ai assez de vanite, ecrit-il a son frere, pour souhaiter
qu'on ne connoisse pas de moi ce que j'en connois, et pour etre bien
aise qu'a la faveur d'un livre qui fait souvent le plus beau cote d'un
auteur, on me croie un grand personnage..... Quand vous aurez connu
personnellement plus de personnes celebres par leurs ecrits, vous verrez
que ce n'est pas si grand'chose que de composer un bon livre..." C'est
dans une lettre suivante a ce meme frere cadet qui se melait de le
vouloir pousser a je ne sais quelle cour, qu'on lit ce propos charmant:
"Si vous me demandez pourquoi j'aime l'obscurite et un etat mediocre et
tranquille, je vous assure que je n'en sais rien.... Je n'ai jamais pu
souffrir le miel, mais pour le sucre je l'ai toujours trouve agreable:
voila deux choses douces que bien des gens aiment." Toute la
delicatesse, toute la sagacite de Bayle, se peuvent apprecier dans ce
trait et dans le precedent.
L'equilibre et la prudence que nous avons notes en lui, ce
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