eu choisis qu'ils fussent, et se plaignait que ses fonctions lui
otassent le loisir de cette pature. Il s'etait pris d'admiration et
d'emulation pour la belle invention des journaux par M. de Sallo, pour
ceux que continuait de donner a Paris M. l'abbe de La Roque, pour les
_Actes des Erudits_ de Leipsick. Lorsqu'il entreprit de les imiter, il
se placa tout d'abord au premier rang par sa critique savante, nourrie,
moderee, penetrante, par ses analyses exactes, ingenieuses, et meme par
les petites notes qui, bien faites, ont du prix, et dont la tradition et
la maniere seraient perdues depuis longtemps, si on n'en retrouvait des
traces encore a la fin du _Journal_ actuel _des Savants_[132]; petites
notes ou chaque mot est pese dans la balance de l'ancienne et
scrupuleuse critique, comme dans celle d'un honnete joaillier
d'Amsterdam. Cette critique modeste de Bayle, qui est republicaine de
Hollande, qui va a pied, qui s'excuse de ses defauts aupres du public
sur ce qu'elle a peine a se procurer les livres, qui prie les auteurs
de s'empresser un peu de faire venir les exemplaires, ou du moins les
curieux de les preter pour quelques jours, cette critique n'est-elle pas
en effet (si surtout on la compare a la notre et a son eclat que je
ne veux pas lui contester) comme ces millionnaires solides, rivaux et
vainqueurs du grand roi, et si simples au port et dans leur comptoir?
D'elle a nous, c'est toute la difference de l'ancien au nouveau notaire,
si bien marquee l'autre jour par M. de Balzac dans sa _Fleur des
Pois_[133].
[Note 132: Dirige par M. Daunou.]
[Note 133: _La Fleur des Pois_, un de ces romans a la Balzac, qui
promettent et qui ne tiennent pas.]
Apres qu'il eut renonce a ses _Nouvelles de la Republique des Lettres_,
la faculte critique de Bayle se rejeta sur son _Dictionnaire_, dont la
confection et la revision l'occuperent durant dix annees, depuis 1694
jusqu'en 1704. Il publia encore par delassement (1704) la _Reponse aux
Questions d'un Provincial_, dont le commencement n'est autre chose qu'un
assemblage d'amenites litteraires. Mais ses disputes avec Le Clerc,
Bernard et Jaquelot, envahirent toute la suite de l'ouvrage. Bien que
ces disputes de dialectique fussent encore pour Bayle une maniere
d'amusement, elles acheverent d'user sa sante si frele et sa _petite
complexion_. La poitrine, qu'il avait toujours eue delicate, se prit; il
tomba dans l'indifference et le degout de la vie a cinquante-neuf ans.
Un symp
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