endait pas:
"Fache de voir lire si lentement _un livre_, je lui ai dit cent fois le
_tardigrada, domiporta_ et ce qui s'ensuit, avec quoi on se moque de
la tortue. Certes, voila bien "des gens propres a devorer les
bibliotheques!" Dans un autre moment de galanterie, en 1675, il ecrit a
mademoiselle Minutoli; et, a cet effet, il se pavoise de bel esprit, se
raille de son incapacite a dechiffrer les modes, lui cite, pour etre
leger, deux vers de Ronsard sur les cornes du belier, et les applique a
un mari: "Au reste, mademoiselle, dit-il a un endroit, le coup de dent
que vous baillez a celui qui vous a louee, etc." L'etat naturel et
convenable de Bayle a l'egard du sexe est un etat d'indifference et
de quietisme. Il ne faut pas qu'il en sorte; il ne faut pas qu'il se
ressouvienne de Ronsard ou de Brantome pour tacher de se faire un ton a
la mode. S'il a perdu a ce manque d'emotions tendres quelque delicatesse
et finesse de jugement, il y a gagne du temps pour l'etude [131], une plus
grande capacite pour ces impressions moyennes qui sont l'ordinaire du
critique, et l'ignorance de ces degouts qui ont fait dire a La Fontaine:
_Les delicats sont malheureux_. Si Bayle en demeura exempt, l'abbe
Prevost, critique comme lui, mais de plus romancier et amoureux, ne fut
pas sans en souffrir.
[Note 130: Ce qu'on a dit sur les amours de Bayle et de madame Jurieu
n'est pas une objection a ce qu'on remarque ici. En supposant (ce qui me
parait fort possible) que l'abbe d'Olivet ait ete bien informe, et que
son recit, consigne dans les _Memoires_ de D'Artigny, merite quelque
attention, il en resulterait que Bayle, age de vingt-huit ans alors,
derogea un moment, aupres de la femme avenante du ministre, aux
habitudes de son humeur et au regime de toute sa vie. L'occasion aidant,
il n'etait pas besoin de grande passion pour cela.]
[Note 131: Dans une note de son article _Erasme_ du _Dictionnaire
critique_, parlant des transgressions avec les personnes qui sont
obligees de sauver les apparences, il dit de ce ton de naivete un peu
narquoise qui lui va si bien: "Elles exigent des preliminaires, elles se
font assieger dans toutes les formes. Se sont-elles rendues, c'est un
benefice qui demande residence... Il est rare qu'on ne tombe qu'une
fois dans cette espece d'engagement; on ne s'en retire qu'avec un
morceau de chaine qui forme bientot une nouvelle captivite. Aussi on
m'avouera qu'un homme qui a presque toujours la plume et les livres a la
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