ons-nous le dejeuner?
--Donat payera a son retour.
--Oui, Donat... cours a sa poursuite! Non, Victor, tu restes ici, tu
prends un bon dejeuner: c'est necessaire pour le retablissement de tes
forces. Je sortirai et tacherai de gagner un salaire: je trouverai bien
les moyens de t'heberger ici jusqu'a ce que ta blessure soit guerie.
Attendre Kwik serait une duperie...
--Eh! eh! voici Kwik! dit Donat lui-meme en ouvrant la porte.
Les Anversois reculerent, etonnes. Donat etait debout devant eux, avec
une ceinture rouge dans laquelle etaient passes un couteau-poignard long
d'un pied et demi et deux revolvers. Il portait sous le bras deux autres
couteaux moins longs et deux ceintures de laine rouge. Il tenait la tete
en arriere et s'efforcait de se donner un air guerrier.
--Ah ca! d'ou viens-tu? Qu'est-ce que cela signifie? murmura Creps.
--Ce que cela signifie? repondit Donat tirant son long couteau catalan
de sa ceinture; cela veut dire que le premier qui me regarde encore de
travers, je l'embroche comme un cochon de lait. J'ai rencontre dans la
rue la moustache rousse du _Jonas_ et je l'ai bouscule; mais bien lui a
pris de feindre de ne pas me voir, car autrement, pardieu! ma lame
entrait dans sa peau comme dans un fromage blanc.
--Mais ou as-tu trouve ces armes?
--Trouve? Il n'y a rien a trouver ici. Je les ai achetees. Ces revolvers
et ces couteaux ne coutent que la bagatelle de trois cent
soixante-quinze francs. Pour ce prix-la, j'acheterais toute une boutique
d'armurier a Malines..
--Gaspiller tant d'argent, dit Creps d'un ton de reproche, au moment ou
ce pauvre Roozeman est blesse et a besoin de notre assistance!
--On n'a point oublie cela, interrompit Donat. Manger n'est pas la
principale chose dans ce pays, comme chez nous. C'est un revolver qu'il
faut d'abord. Quant a moi, ce long couteau me suffit; les revolvers et
les autres couteaux, je les ai achetes pour vous. Tenez, prenez-les, et
louez ma prevoyance! car vous en aurez plus de profit que d'un bon diner
et d'un lit moelleux. J'ai songe a tout. Voici les ceintures pour mettre
les pistolets. Maintenant, du moins, nous pourrons aller et venir dans
la rue au milieu de ce tas de ribauds, la tete levee et prets a defendre
notre vie, nos oreilles et notre bourse... aussitot qu'il y rentrera
quelque chose, car maintenant elle est plate comme un papier plie.
--N'as-tu donc plus d'argent? Demanda Victor avec quelque inquietude.
Nous devons encore i
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