ices et les
allegerait probablement d'une partie de leurs lourds bagages jusqu'aux
placers. L'animal portait une marque brulee sur la cuisse, et n'avait
d'autre harnais qu'une corde au cou et deux paniers lies ensemble sur le
dos; a la corde pendait une petite clochette dont le battant etait
attache par une petite courroie pour l'empecher de sonner.
Les haches, pioches, marmites et couvertures furent tirees sur-le-champ
des havre-sacs et chargees sur le mulet, on lui lia egalement la grande
manne sur le dos et chacun se dechargea de son bagage autant qu'il lui
plut.
--Donat, je te fais muletier! dit le Bruxellois avec un serieux comique.
--Je le suis de naissance, repondit Kwik. Ayez confiance en moi; j'aurai
soin du mulet comme de mon propre frere.
--En avant, messieurs, en avant maintenant, legers de coeur et legers de
corps.
Tous marcherent gaiement en avant. En effet, ce n'etait pas un mince
soulagement de se sentir delivres des lourds fardeaux sous lesquels ils
ployaient si longtemps. Donat, en muletier fidele, marchait a cote du
mulet, la main sur le cou de la bete en signe d'amitie.
Deja l'evenement avait perdu de sa nouveaute et les autres continuaient
silencieusement leur route, lorsque Donat n'avait pas encore fini de
parler au mulet. Bien que le matelot se moquat de temps en temps de
l'affection des deux amis intimes qui s'etaient retrouves si
inopinement, Donat ne lui repondait pas et continuait sa conversation
avec le mulet:
--Courage, camarade! disait-il. Ne crois pas que tu sois tombe dans des
mains etrangeres. Feu mon pere, que Dieu ait pitie de son ame! avait
aussi un mulet, et c'etait moi qui devais le soigner, lui donner
l'avoine, le mener a la prairie et preparer sa litiere. Nous etions si
bons amis, que je partageais quelquefois ma tartine de pain de seigle
avec Jean Mul, car il se nommait ainsi. Tu dois aussi m'aimer, ne fut-ce
que parce que j'ai si bien soigne Jean Mul de Natten-Haesdonck. Tous les
hommes sont freres et tous les mulets aussi. Tu me regardes? Je crois,
pardieu, que tu me comprends! Cela t'etonne, n'est-ce pas? Qu'une
personne que tu ne connais pas encore te temoigne tant d'affection; mais
elle a ses raisons. Tu sauras, mon ami, que j'aime quelqu'un. C'est la
fille d'un garde-champetre. J'ai ete assez puni d'avoir ose lever les
yeux aussi haut; car le garde-champetre, lorsque j'allai lui demander de
pouvoir me marier avec Anneken, m'a jete si violemment a la porte que
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