e dans le paradis terrestre. Pour se consoler
lui-meme, il s'efforcait d'inspirer du courage a la bete et de faire
briller a ses yeux le bonheur de demeurer dans un chateau avec Anneken.
Mais au milieu de ce recit attrayant, le mulet se sentit piquer par une
mouche et donna par megarde un si violent coup de pied a son conducteur,
que le pauvre Kwik culbuta et tomba a la renverse.
Donat devait avoir la tete tres-dure; car, avant que les autres eussent
eu le temps de voler a son secours, il etait sur ses pieds et avait
repris sa place a cote du mulet.
Ce petit incident n'avait donc pas interrompu le voyage. Donat fit un
sermon sans fin au mulet, sur l'amitie, la reconnaissance et
l'obeissance qu'un mulet doit a son maitre ou a son conducteur quand
celui-ci le traite avec douceur.
Il etait precisement en train de citer, pour servir d'exemple, toutes
les bonnes qualites de Jean Mul de Natten-Haesdonck, lorsque le
Bruxellois s'arreta tout a coup et cria:
--Appretez les fusils! Beaucoup d'hommes devant nous!
--Nous y voila encore! soupira Donat; je ne donnerais pas une pipe de
tabac de notre vie.
Tous s'arreterent, le fusil braque; ils virent arriver un grand nombre
d'hommes; mais on ne pouvait voir a une aussi grande distance quels
hommes c'etaient.
Aussitot que cette troupe apercut la compagnie de Pardoes, elle s'arreta
egalement et appreta les fusils.
--Ah ca! camarades, murmura Donat, si nous ne pouvons faire autrement,
battons-nous a la grace de Dieu; mais ils sont au moins vingt la-bas, et
il y a a cote de nous une foret pour fuir. Qui aime le danger y perira,
dit le cure de Natten-Haesdonck.
--Tais-toi, imbecile! interrompit Pardoes. Si je ne me trompe, il n'y a
rien a craindre. Ces hommes-la sont charges de lourds fardeaux. Ce sont
des chercheurs d'or qui reviennent des placers. Allons, amis, faisons
comme eux; continuons notre chemin avec prudence. Voyez, ils nous font
des signes d'amitie.
En effet, les deux groupes se rapprocherent lentement, et, des qu'ils
furent assures de part et d'autre que c'etaient de simples voyageurs
qu'ils avaient rencontres, ils echangerent de loin quelques cris pour
saluer. Pourtant chacun se tint sur ses gardes.
Le Bruxellois reconnut un Francais, qu'il avait vu l'annee precedente
dans les mines du Nord. Il alla a lui et causa une couple de minutes,
pendant que ses camarades echangeaient quelques paroles avec les autres
chercheurs d'or et tachaient d'obtenir des
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