pris. En route, l'Anglais raconta comment ce malheur lui
etait arrive:
--Mon nom est John Miller; nous sommes de Kilkenny, en Irlande, dit-il.
Je devais me rendre a Sacramento, afin d'y acheter une provision de
farine pour mon pere. Comme on ne pouvait se procurer assez de mulets a
la riviere de la Plume, je suis alle aux placers du Yuba, et j'y ai
trouve apres quelques jours d'attente, les muletiers dont j'avais
besoin. Nous descendimes avec rapidite des montagnes, car nos mulets
etaient bons. Nous ne rencontrames rien de particulier dans notre
voyage, jusqu'au troisieme jour. Quelques heures avant midi, nous vimes,
au pied de la montagne qui dominait notre route, un homme accroupi et
courbe, comme quelqu'un qui est tres-fatigue. Comme il etait seul et
n'avait pas d'autres armes qu'un revolver, il ne nous inspira pas de
mefiance. Il repondit a nos demandes qu'il etait parti de San-Francisco
pour aller aux mines du Nord, qu'il s'etait egare, et qu'il mourait de
faim, faute de provisions. Nous lui donnames quelques biscuits et un
bon morceau de viande salee. Cet homme avait de grosses moustaches
rousses et les yeux singulierement petits...
--Etait-ce un Francais? demanda Victor etonne.
--Oui, c'etait un Francais; il y en avait deux parmi nous qui savaient
causer avec lui.
--La moustache rousse du _Jonas_! Murmura Victor; Donat ne s'est pas
trompe!
--Je n'aurais pas regarde si exactement son visage, continua le blesse,
mais il me sembla qu'il nous examinait tous un a un de la tete aux
pieds, et comptait nos armes. Il s'etait leve et avait poursuivi son
chemin; nous avions, apres lui avoir montre la bonne route, repris notre
marche dans une direction opposee. Pousse par la defiance, je fis
arreter un instant mes compagnons et je grimpai sur une montagne pour
observer l'inconnu. Il avait disparu et ne pouvait s'etre cache nulle
part dans cette plaine, sinon dans les broussailles ou dans le bois.
Nous craignions une attaque des brigands qui rodent maintenant en tres
grand nombre; mais comme, apres avoir marche avec rapidite pendant une
heure et demie, nous n'avions rien rencontre, nous nous arretames pour
faire manger les betes et pour preparer notre propre diner. A peine
fumes-nous remontes sur nos mulets et prets a donner le signal du
depart, que plusieurs hommes parurent sur une montagne au-dessus de nous
et nous envoyerent quatre ou cinq balles. Nous nous mimes sur la
defensive et nous dechargeames egalement n
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