abitude de dormir avec sa couverture sur sa tete.
--Tiens! ou est-il passe? Le lit est vide! s'ecria-t-il.
--Il s'est leve de bonne heure, repondit Roozeman, il s'est habille
doucement pour ne pas nous reveiller.
--Ne lui as-tu pas demande ou il allait?
--Si; il m'a dit en riant qu'il allait chercher le lobe de son oreille.
--Je comprends, je comprends, murmura Creps. Donat possede quelques
centaines de francs; il est malin, il s'est leve en silence, il s'est
enfui afin de ne pas depenser ses dollars pour nous. Il a raison, c'est
la loi de la Californie: _Chacun pour soi_.
--Non, Jean, interrompit Roozeman, n'aie pas une pareille idee de Donat.
Il peut etre grossier et stupide quelquefois, mais il est reconnaissant
et son coeur est bon.
--Nous verrons. Je ne m'etonnerais aucunement que Donat tentat de garder
exclusivement pour son entretien les dollars qu'il doit a ta generosite.
La Californie est le pays du plus horrible egoisme; on respire ici ce
sentiment odieux avec l'air.
--Ton amitie pour moi et ton inquietude non fondee au sujet de ma
blessure te rendent melancolique, Jean; autrement, tu ne croirais pas ce
pauvre garcon capable d'une pareille lachete.
--Soit, Victor, nous le saurons bientot. Parlons maintenant avec
sang-froid de notre position critique. Nous ne possedons plus rien, il
peut encore se passer beaucoup de jours avant que les directeurs de _la
Californienne_ soient a San-Francisco. Qu'allons-nous entreprendre en
attendant?
--C'est tout simple, dit Roozeman. Nous coucherons par terre sous une
voile, et nous chercherons des moyens pour gagner quelques dollars,
dussions-nous aller sur le quai porter des sacs de voyage ou des malles.
--Sans doute, Victor; pour moi, ce serait bien le plus simple. Mais toi,
coucher par terre, travailler, te fatiguer et risquer d'enflammer ta
blessure! Cela ne sera pas, me fallut-il travailler comme un esclave et
me nourrir de pain et d'eau! Coucher par terre, toi qui es si
sensible!...
--Mais, Jean, dit Roozeman avec un sourire de depit, tu te fais une
fausse idee de moi. Je t'en remercie tout de meme, car c'est un effet de
ta bonne amitie. Je suis sensible, en effet, pour certaines choses qui
touchent l'esprit et le coeur, mais pour ce qui concerne les douleurs
physiques ou les privations, sois sur que je les supporte aussi bien que
n'importe qui. Allons, allons, pas de chagrin; descendons pour dejeuner.
--Dejeuner? murmura Jean. Avec quoi payer
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