chaient dans une immense et solitaire vallee, a l'est de la riviere
le Sacramento. Ils portaient de pesants havre-sacs sur le dos et etaient
charges de provisions, de haches, de beches, de pioches, de couvertures
de laine et d'autres instruments; en outre, l'un d'eux portait la voile
destinee a couvrir la tente; un autre portait la grande marmite pour
faire bouillir l'eau, et un troisieme la claie, de plus de six pieds de
long, destinee a laver la terre aurifere.
Ils avaient tous un fusil en bandouliere et un revolver et un couteau
passes dans la ceinture. Ils devaient etre depuis plusieurs jours en
route, car ils etaient sales et crottes des pieds a la tete; et a voir
leurs dos courbes, leurs pieds engourdis et leur marche essoufflee, on
eut pu deviner qu'ils avaient deja fait plusieurs lieues de chemin ce
jour-la.
L'endroit ou ils se trouvaient etait l'extremite orientale de la vallee
de Sacramento, entre la vallee de l'Ours et le Yuba. A leur gauche,
s'etendait une plaine immense; a leur droite, au contraire, ils voyaient
le sol s'elever et surgir des collines et des montagnes, dont les
croupes et les sommets etaient couronnes de cedres, de cypres et de
pins. A plusieurs lieues de distance derriere les montagnes, toujours de
plus en plus hautes, leur vue s'arretait aux aretes de la Sierra-Nevada,
dont les cimes s'elevent de tant de mille pieds vers le ciel qu'ils
restent couverts d'une neige et d'une glace eternelles.
Les voyageurs etaient parvenus a un endroit ou ils allaient quitter la
grande vallee pour gravir du cote de l'Est un defile entre deux
collines. Il avait beaucoup plu quelques jours auparavant. Maintenant
le soleil brillait et il faisait beau; mais le sol detrempe etait encore
boueux et glissant, et l'essoufflement des voyageurs epuises redoublait
avec les difficultes de leur marche.
Les hommes dont se composait cette troupe n'etaient autres que le
Bruxellois Pardoes, ses amis Creps, Roozeman et Kwik, et deux nouveaux
camarades. Le premier, celui qui se tenait le plus souvent a cote de
Pardoes, etait un Ostendais qui avait fait presque tout le tour du monde
sur un vaisseau americain, et qui s'etait enfui en dernier lieu de
Callao, pour venir chercher de l'or en Californie. C'etait un gaillard
fort comme un ours, grossier de langage, ayant l'esprit borne et sans
aucun sentiment de generosite ni de morale. Il devait etre querelleur de
sa nature; car il se vantait sans cesse de son adresse dans les
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