ne l'avait
desiree, et elle ne desirait rien tant elle-meme que d'inspirer un amour
emporte, dut-il compromettre la reputation de delicatesse, de gout et de
fierte qu'elle avait travaille a se faire. Elle esperait peut-etre qu'un
tel amour eveillerait en elle les emotions d'un enthousiasme qu'elle ne
connaissait pas. Mais ce qu'il y a de certain, c'est que son imagination
etait satisfaite a tous autres egards; que sa vanite etait blasee sur
les triomphes de l'esprit et de la coquetterie, et qu'elle n'avait
jamais eprouve les transports que la beaute allume et que la passion
entretient. Elle etait lasse d'adulations, de soins et de fadeurs. Elle
voulait voir faire des folies pour elle; elle voulait, non plus de
l'excitation, mais de l'enivrement, et Horace semblait tout dispose a ce
role d'amant furieux et temeraire dont la nouveaute devait faire cesser
la langueur et l'ennui des vulgaires amours.
Cette pauvre femme avait eu cependant un ami dans sa vie, et elle
l'avait conserve. C'etait le marquis de Vernes, qui, a l'age de
cinquante ans, avait ete son premier amant. Il y avait de cela une
vingtaine d'annees, et le monde ne l'avait pas su, ou n'en avait jamais
ete certain. Ami de la maison, ce roue habile avait profite des premiers
sujets de depit que l'infidelite du vicomte de Chailly avait donnes a sa
femme. Il avait ete le confident des chagrins de Leonie, et il en avait
abuse pour seduire une enfant sans experience, qui le regardait comme un
pere et se fiait a lui. Jusque-la cette infortunee n'avait eu d'autre
defaut que la vanite; cet affreux debut dans la vie, avec un vieux
libertin, developpa des vices dans son coeur et dans son intelligence.
Elle eut horreur de sa chute, se sentit avilie, et se crut perdue a
jamais, si, a force de science et de coquetterie, elle ne parvenait a
s'en relever. Le marquis l'y aida; non qu'il fut accessible au remords,
mais parce que, dans l'espece de morale qu'il s'etait faite de ses
vices, il tenait a honneur de ne pas fletrir une femme aux yeux du monde
et aux siens propres. C'etait un homme singulier, mysterieux, profond en
ruses, et d'une dissimulation froide, au milieu de laquelle regnait une
sorte de loyaute. Ne pour la diplomatie, mais eloigne de cette carriere
par les evenements de sa vie, il avait fait servir sa puissance secrete
a satisfaire ses passions, non sans vanite, du moins sans scandale. Par
exemple, il se piquait d'etre ce que les femmes du monde appellent un
_ho
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