esire, qu'il a engendre dans mon sein malgre lui, et dont il a deteste
en moi l'esperance? un enfant qu'il m'aurait defendu de mettre au monde
si cela eut ete en notre pouvoir? Non, ce n'est pas son enfant, et ce
ne le sera jamais! Ah! Paul! comment n'as-tu pas compris que je pouvais
pardonner a Horace de m'humilier, de me briser, de me hair; mais que,
pour avoir hai et maudit l'enfant de mes entrailles, il ne lui serait
jamais pardonne? Non, non! cet enfant est a nous, Arsene, et non pas a
Horace. C'est l'amour, le devouement et les soins qui constituent la
vraie paternite. Dans ce monde affreux, ou il est permis a un homme
d'abandonner le fruit de son amour sans passer pour un monstre, les
liens du sang ne sont presque rien. Et quant a moi, j'ai profite a cet
egard de la faculte que me donnait la loi, pour rompre entierement le
lien qui eut uni mon fils a Horace. La mere Olympe l'a porte a la mairie
sous mon nom, et a la place de celui de son pere, on a ecrit celui
d'_inconnu_. C'est toute la vengeance que j'ai tiree d'Horace: elle
serait sanglante, s'il avait assez de coeur pour la sentir.
--Mon amie, reprit Arsene, parlons sans amertume et sans ressentiment
d'un homme plus faible que mauvais, et plus malheureux que coupable. Ta
vengeance a ete bien severe, et il pourrait arriver que tu en eusses
regret par la suite. Horace n'est qu'un enfant, il le sera peut-etre
encore pendant plusieurs annees; mais enfin il deviendra un homme, et
il abjurera peut-etre les erreurs de son coeur et de son esprit. Il se
repentira du mal qu'il a fait sans le comprendre, et tu seras dans sa
vie un remords cuisant. S'il revoit un jour ce bel enfant, qui, grace
a toi, sera sans doute adorable, et si tu lui refuses le droit de le
serrer sur son coeur...
--Arsene, ta generosite t'abuse, interrompit Marthe avec une energie
douloureuse; Horace n'aimera jamais son enfant. Il n'a pas senti
cet amour a l'age ou le coeur est dans toute sa puissance; comment
l'eprouverait-il dans l'age de l'egoisme et de l'interet personnel?
Si son fils avait de quoi le rendre vain, il s'en amuserait peut-etre
pendant quelques jours; mais sois sur qu'il ne lui donnerait pas des
preceptes et des exemples selon mon coeur. Je ne veux donc pas qu'il lui
appartienne. Oh! jamais! en aucune facon!
--Eh bien, dit Arsene, es-tu bien decidee a cela? et veux-tu t'arreter
sans retour a cette determination?
--Je le veux, repondit Marthe.
--En ce cas, reprit-il, il y
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