irs qu'il a meconnus. Non! je ne veux pas qu'il ignore ta grandeur
et la purete de ton amour! Je veux qu'il en soit humilie jusqu'au fond
de son ame, et qu'il soit force de se dire: Marthe a eu bien raison de
se refugier dans le sein d'Arsene!
--Ceci importe peu, reprit Arsene; mais ce qui m'importe, a moi, c'est
que cet homme aveugle et violent ne s'arroge pas le droit de te mepriser
et d'aller crier chez tes veritables amis: "Vous voyez! j'avais bien
raison de me mefier de Marthe. Elle etait la maitresse d'Arsene en
meme temps que la mienne. J'avais bien raison de maudire sa grossesse.
L'enfant qu'elle voulait me donner a eu deux peres, et je ne sais auquel
des deux il appartient."
--Tu as raison, repondit Marthe. Eh bien, nous ne mentirons pas a nos
anciens amis; et si jamais j'ai le malheur de rencontrer Horace, j'aurai
le courage de lui dire a lui-meme: "Vous n'avez pas voulu de votre
enfant; un autre est fier de s'en charger, et par la il a merite d'etre
mon epoux, mon amant, mon frere a jamais."
Marthe, en parlant ainsi, se precipita dans les bras d'Arsene, et
couvrit son visage de baisers et de larmes. Puis elle prit l'enfant
dans son berceau, et le lui donna solennellement. Paul l'eleva dans ses
mains, prit Dieu temoin, et consacra a la face du ciel cette adoption,
plus sainte et plus certaine qu'aucune de celles que les lois ratifient
a la face des hommes.
XXX.
A la fin de l'ete, la vicomtesse avait hate son depart de la campagne,
sous pretexte d'affaires pressantes, mais en realite pour fuir Horace,
qu'elle n'aimait plus, et que meme elle commencait a detester. Pour se
debarrasser de cet amant dangereux, elle avait ecrit a son vieux ami le
marquis de Vernes, et lui avait demande conseil comme elle avait coutume
de le faire lorsqu'elle avait besoin de lui. Elle lui avait avoue en
meme temps et son gout pour Horace et le degout qui l'avait suivi, le
mepris et le ressentiment que lui avaient cause ses indiscretions, et la
crainte qu'elle eprouvait qu'il n'en commit de nouvelles. Elle lui
avait raconte comment, ayant essaye de le traiter d'un peu haut pour
l'habituer au respect, ce moyen avait echoue: Horace avait voulu faire
sentir ses droits, et, pour se faire craindre sans se rendre odieux,
il avait parle de jalousie et de vengeance comme un heros de Calderon.
Leonie, epouvantee, demandait en grace au marquis de venir a son secours
pour la delivrer de ce forcene. "J'avais bien prevu ce qui arrive
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