es et
de la grande crise qui s'etait operee en lui un peu rapidement. Il pensa
a Marthe un peu plus qu'a Arsene, et a lui-meme un peu plus qu'a son
fils. Son amitie enthousiaste pour Marthe reprit le caractere d'une
passion qui se reveille, et qui n'abandonne pas tout a coup de
chimeriques et coupables esperances. Enfin selon l'expression d'Eugenie,
qui avait retenu quelques mots de science, son etoile eut une
defaillance de lumiere. Il etait temps qu'Horace partit et n'eut pas
l'occasion de revenir sur ses nobles resolutions. Je l'y forcai en
quelque sorte, non sans peine ni sans lutte; car, bien que charme de
l'idee de voyager, il voulait gagner quelques jours. Mais j'y mis une
fermete excessive, sentant bien que de sa conduite avec Marthe en cette
circonstance dependait tout son avenir moral. Je lui fis accepter, comme
venant de moi, la somme que Louis de Meran m'avait envoyee pour lui,
et je fixai le jour de son depart pour l'Italie sans lui permettre de
revoir personne.
XXXIII.
La joie de se voir possesseur d'une nouvelle petite fortune, et celle de
realiser un de ses plus doux projets, enivra si vivement Horace dans
les derniers jours, que je m'effrayai des dispositions folles dans
lesquelles je le vis se preparer a son voyage. Il se forgeait sur toutes
choses des illusions qui me faisaient craindre de grandes imprudences
ou d'amers desenchantements. Apres la semaine d'abattement et de spleen
profond que lui avait cause son _fiasco_ dans le beau monde, il avait eu
une semaine d'enthousiasme, d'expansion delirante et d'orgueil sublime.
Toutes ces emotions avaient brise son corps appauvri par la vie de
plaisir qu'il avait menee durant tout l'hiver; et je le voyais en proie
a une fievre d'autant plus reelle qu'il ne s'en plaignait pas et ne s'en
apercevait pas. Craignant qu'il ne tombat malade en route, je resolus de
le conduire jusqu'a Lyon, afin de l'y faire reposer et de l'y soigner,
si les premiers jours de mouvement, au lieu de faire une heureuse
diversion, venaient a hater l'invasion d'une maladie.
Nous fimes donc ensemble nos apprets de depart, et je le gardai a
vue pour qu'il ne fit pas echouer nos projets par quelque subite
extravagance. J'avais le pressentiment d'une crise imminente. Il y
avait du desordre dans ses idees, des preoccupations etranges dans ses
moindres actions, et sur sa figure quelque chose de voile et de bizarre
qui frappait egalement Eugenie. "Je ne sais pas pourquoi je ne peux p
|