s'il ne
pouvait se guerir de son amour; et apres de longues tirades, si belles
qu'il aurait du les garder pour son editeur, il lui fit les offres les
plus folles; il la supplia de fuir ou de se suicider avec lui.
Marthe l'ecoula avec cette incredulite radicale qu'on acquiert en
amour a ses depens. Elle trouva sa conduite absurde et ses intentions
coupables et laches. Cependant, quoique son coeur lui fut ferme sans
retour, elle sentit avec terreur que l'ancien magnetisme exerce sur elle
par cet homme si funeste a son repos etait pres de se ranimer, et qu'une
influence mysterieuse, satanique en quelque sorte, et dont elle avait
horreur, commencait a penetrer dans ses veines comme le froid de la
mort. Son coeur se serrait, un tremblement convulsif agitait ses mains,
qu'Horace retenait de force dans les siennes; et lorsqu'il se jetait
a genoux devant son fils endormi, lorsqu'au nom de cette innocente
creature, qui les unissait pour jamais l'un a l'autre en depit du
sort et des hommes, il lui demandait un peu de pitie, elle sentait se
reveiller, pour celui qui l'avait rendue mere, une sorte de tendresse
fatale, melee de compassion, de mepris et de sollicitude. Horace vit
ses yeux se remplir de larmes, et son sein se gonfler de sanglots; il
l'entoura de ses bras avec energie en s'ecriant: "Tu m'aimes, ah! tu
m'aimes, je le vois, je le sais!"
Mais elle se degagea avec une force superieure; et, prenant tout a coup
une resolution desesperee pour se delivrer a jamais de son mauvais
genie:
"Horace, lui dit-elle, votre passion est mal placee, et vous devez vous
en guerir au plus vite. Je ne saurais plus longtemps conserver votre
estime, au prix de votre repos et de votre dignite. Je ne merite pas
les eloges dont vous m'accablez, je vous ai manque de foi; vos soupcons
n'ont ete que trop fondes: cet enfant n'est pas de vous. C'est bien
veritablement le fils de Paul Arsene, dont j'etais la maitresse en meme
temps que la votre."
Marthe, en proferant ce mensonge, faisait un veritable acte de
fanatisme. C'etait comme un exorcisme _pour chasser les demons au nom
du prince des demons_. Horace etait si hagard qu'il ne songea pas a
l'invraisemblance d'une telle assertion, apres la conduite d'Arsene
envers lui. Il n'hesita pas a accuser cet homme vertueux de complicite
avec une femme impudente, pour lui faire accepter la paternite d'un
enfant. Il oublia qu'il etait sans nom, sans fortune, et sans position,
et que par consequent Arsen
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