veriez pas que vous avez dit la verite, et vous
donneriez a votre aventure un eclat qu'elle n'a pas encore. Vous avez
besoin d'argent pour voyager; en voici: trop peu a la verite pour mener
en pays etranger le train d'un fils de famille, mais assez pour attendre
modestement le resultat de votre travail. Vous me le rendrez quand vous
pourrez. Ne vous en tourmentez guere; j'ai de la fortune, et je vous
proteste, Horace, que je n'ai jamais eu autant de plaisir a vous obliger
que je le fais en cet instant."
Horace, penetre de repentir et de reconnaissance, pressa fortement la
main de Louis, refusa obstinement le portefeuille qu'il lui presentait,
le remercia de ses bons conseils avec une grande douceur, lui promit de
les suivre, et quitta precipitamment sa maison. Louis de Meran m'ecrivit
aussitot, pour me mettre au courant de toutes ces choses, et pour
m'engager a faire accepter en mon nom a Horace les avances qu'il n'avait
pas voulu recevoir de lui, et qui lui etaient necessaires pour se mettre
en voyage.
Malheureusement le devouement de cet excellent jeune homme ne put etre
aussi promptement efficace qu'il le souhaitait. Horace ne vint pas me
voir, et je le cherchai rendant plusieurs jours sans pouvoir decouvrir
sa retraite.
XXXII.
Il passa donc trois ou quatre jours dans la solitude, en proie aux
angoisses de la honte et de la misere, ne sachant ou fuir l'une et
comment arreter les progres de l'autre. Son ame avait recu la plus
douloureuse atteinte qu'elle fut disposee a ressentir. Les chagrins de
l'amour, les tourments du remords, les soucis meme de la pauvrete ne
l'avaient jamais serieusement ebranle; mais une profonde blessure portee
a sa vanite etait plus qu'il ne fallait pour le punir. Malheureusement
ce n'etait pas assez pour le corriger. Horace etait sans force et sans
espoir de reaction contre l'arret qui venait de le frapper. Enferme dans
un grenier, errant la nuit seul par les rues, il se tordait les mains
et versait des larmes comme un enfant. Le monde, c'est-a-dire la vie
d'apparat et de dissipation, cet Elysee de ses reves, ce refuge contre
tous les reproches de sa conscience, lui etait donc ferme pour jamais!
Les consolations que Louis de Meran avait essaye de lui donner lui
paraissaient illusoires. Il savait bien que les gens qui vivent de
pretentions, selon eux legitimes, sont sans pitie pour les pretentions
mal fondees d'autrui. Il avait assez de fierte pour ne vouloir pas
rentrer en grace
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