plus
tendres et plus genereux. Il etait impossible de n'etre pas subjugue par
la grandeur de son mouvement et de ne pas ajouter foi a ses promesses.
Il demandait ardemment le pardon, l'amitie, la confiance de Marthe et de
Paul. Il s'accusait avec une entiere franchise; il parlait d'Arsene avec
un enthousiasme bien senti. Il implorait, comme une grace, de voir
son fils en leur presence, el de le remettre lui-meme, humblement et
courageusement, entre les bras de celui qui l'avait adopte, et qui etait
plus digne que lui d'en etre le pere.
Paul trouva sa femme lisant cette lettre avec des yeux pleins de larmes.
"Tiens, lui dit-elle en la lui remettant, c'est une lettre d'Horace, et
tu vois, elle me fait pleurer. Et cependant quelque chose me dit que ce
ne sont la encore que des paroles comme il en sait dire."
Arsene lut la lettre attentivement, et la rendant a sa femme avec une
emotion grave;
"Il est impossible, lui dit-il, que ce ne soit pas la l'expression d un
sentiment vrai et d'une resolution genereuse. Cette lettre est belle,
et cet homme est bon malgre ses vices. Il m'est impossible de ne pas le
croire meilleur qu'il ne sait le prouver par sa conduite. On ne parle
pas ainsi pour se divertir. Il a pleure en t'ecrivant. Je t'assure que
tu ne dois pas rougir de l'avoir cru plus fort et plus sage qu'il ne
l'est: il avait toutes les intentions des vertus qu'il n'avait pas. Tu
lui dois le pardon et l'amitie qu'il demande; et si je t'en detournais,
je te donnerais un conseil egoiste et lache.
--Eh bien, je le verrai, mais en ta presence, repondit Marthe. La seule
chose qui me fasse souffrir, c'est de penser qu'il verra Eugene, qu'il
l'embrassera devant nous, qu'il l'appellera son fils, et qu'il verra
en moi la mere de son enfant. Non, je n'aurais pas voulu reveiller et
reconstituer ainsi en quelque sorte le passe. Je m'etais habituee a
regarder cet enfant comme le tien. Je ne me rappelais plus que bien
rarement qu'il ne l'est pas; et maintenant, on va nous l'oter en quelque
sorte, en nous volant une de ses caresses!
--Cette idee m'est plus cruelle qu'a toi, ma pauvre Marthe, reprit
Arsene; mais c'est un devoir auquel il faut se soumettre. J'ai reflechi
toute la nuit a ces choses-la, et je m'en suis dit une bien serieuse, et
que tu vas comprendre. Au-dessus de nos desirs, de notre choix et notre
volonte, il y a le dessein, le choix et la volonte de Dieu. Dieu ne fait
rien qui ne soit necessaire, et ses intentions
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