explication; vous ne parlerez
jamais de l'enfant qu'Arsene reconnait et declare, par un pieux
mensonge, etre le sien; vous direz, du ton ferme et bref qui convient
a un homme serieux, que vous avez pour Marthe l'estime et le respect
qu'elle merite; et croyez-moi, cette declaration vous fera honneur, meme
aux yeux de ceux qui soupconneraient la verite. Cela seul pourra leur
faire excuser et taire vos egarements... Si vous aviez agi ainsi, meme a
l'egard d'une autre femme qui en est moins digne, vous seriez peut-etre
rehabilite aujourd'hui dans l'estime de juges plus pointilleux et plus
exigeants que ne le seront vos anciens camarades."
Cette insinuation eleva un autre sujet d'explication, et Horace,
consterne, recut mes admonestations avec le silence de l'abattement.
Mais en ce qui concernait Marthe, il se debattit longtemps, et pendant
deux heures j'eus a lutter, non contre son incredulite, elle etait
feinte, mais contre son obstination et son depit. Malgre sa resistance,
je voyais pourtant bien qu'il etait ebranle et que je gagnais du
terrain. A neuf heures du soir, il sortit, en me disant qu'il avait
besoin d'etre seul, de respirer l'air et de reflechir en marchant. "Je
reviendrai avant minuit, me dit-il, et je vous avouerai franchement le
resultat de mon examen de conscience. Nous causerons encore de tout
cela, si vous n'etes pas horriblement las de moi."
[Illustration: Et je me suis jete a ses pieds.]
Il rentra vers une heure du matin avec un visage anime, bien que fort
pale encore, et avec des manieres affectueuses et communicatives. "Eh,
bien? lui dis-je en secouant la main qu'il me tendait.--Eh bien! me
repondit-il, j'ai remporte la victoire, ou plutot c'est Marthe et vous
qui m'avez vaincu, et desormais vous ferez tous de moi ce que vous
voudrez. J'etais un fou, un malheureux tourmente de mille doutes
poignants; mais vous autres, vous etes des etres forts, calmes et sages.
Vous m'aidez a retrouver la face de la verite, quand elle se brouille
dans les nuages de mon imagination. Ecoutez ce qui m'est arrive; je veux
tout vous dire. En vous quittant, j'ai ete au Gymnase; je voulais voir
Marthe, travestie en comedienne sur cette scene mesquine, debiter en
minaudant les gravelures sentimentales de nos petits drames bourgeois,
Oui, je voulais la voir ainsi, pour me guerir a jamais du depit qu'elle
m'avait laisse dans l'ame, pour la mepriser interieurement et me
mepriser moi-meme de l'avoir aimee. Je n'etais pas as
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