s voulu me comprendre. Enfin vous vous etes livre, et vous
avez empire votre situation. Vous avez commis des fautes que, dans
la justice de ma conscience, je trouve assez pardonnables, mais pour
lesquelles vous ne trouverez aucune indulgence dans ce monde hautain et
froid que vous avez voulu affronter sans le connaitre. Vous avez une
ennemie implacable, a qui vous pouvez rendre blessure pour blessure,
outrage pour outrage. C'est une mechante femme, dont j'ai appris a mes
depens a me preserver. Mais elle est du monde, mais vous n'en etes pas.
Les rieurs seront pour vous, les influents seront pour elle. Elle vous
fera chasser de partout, comme elle vous a fait congedier par madame
de ***. Croyez-moi, quittez Paris, voyagez, eloignez-vous, faites-vous
oublier; et si vous voulez reparaitre absolument dans ce qu'on appelle,
tres-arbitrairement sans doute, la bonne compagnie, ne revenez qu'avec
une existence assuree et un nom honorable dans les lettres. Vous avez eu
un tort grave: c'est de vouloir nous tromper. A quoi bon? Aucun de
nous ne vous eut jamais fait un crime d'etre pauvre et d'une naissance
obscure. Avec votre esprit et vos qualites, vous vous seriez fait
accepter de nous, un peu plus lentement peut-etre, mais d'une maniere
plus solide. Vous avez voulu, partant d'une condition precaire, jouir
tout d'un coup des avantages de fortune et de consideration que votre
travail et votre attitude fiere et discrete vis-a-vis de nous eussent pu
seuls vous faire conquerir. Si j'avais su qu'au lieu de vingt-cinq ans
vous n'en aviez que vingt, je vous aurais guide un peu mieux. Si j'avais
su que vous etiez le fils d'un petit fonctionnaire de province, et non
le petit-fils d'un conseiller au parlement, je vous aurais detourne de
l'idee puerile de falsifier votre nom. Enfin, si j'avais su que vous ne
possediez absolument rien, je ne vous aurais pas lance dans un train de
vie ou vous ne pouviez que compromettre votre honneur. Le mal est fait.
Laissez au temps, qui efface les medisances et a mon amitie, qui vous
restera fidele, le soin de le reparer. Vous avez du talent et de
l'instruction. Vous pouvez, avec de l'esprit de conduite, marcher un
jour de pair avec ces personnages brillants dont l'air degage vous a
seduit, et que vous regarderez peut-etre alors en pitie. Vous allez
partir, promettez-le-moi, et sans chercher par aucun coup de tete a vous
venger des soupcons qu'on a concus contre vous. Vous auriez dix duels,
que vous ne prou
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