e, je me bornerai a dire qu'elle se trompe; mais si un homme
me le repetait avec le moindre doute sur ma loyaute, je lui repondrais
qu'il en a menti."
L'interlocuteur a qui s'adressait cette reponse fit un mouvement
de colere. Son voisin le retint, et se hata de dire d'un ton assez
equivoque:
"Personne ne doute ici de votre loyaute. Si vous avez trahi le secret de
vos amours avec une femme, dans un de ces _apres-boire_ ou vraiment la
verite nous echappe sans que nous en ayons conscience, la vicomtesse
pousse trop loin sa vengeance en vous calomniant. Mais si vous l'aviez
calomniee, vous? si, par depit de ses refus, vous aviez menti, il
faudrait l'excuser d'user de represailles.
--Mais vous-meme, Monsieur, dit Horace, vous paraissez incertain? Je
desirerais savoir votre opinion sur mon compte.
--Mon opinion, c'est que vous avez ete son amant, que vous l'avez conte
a quelqu'un dans les fumees du champagne, et que vous avez fait la une
grave imprudence.
--Que vous en semble? dit Proserpine en remplissant le verre d'Horace;
prononcez, messieurs du tribunal.
--Cela merite tout au plus deux jours d'emprisonnement au secret dans
l'oratoire de madame de ***."
Ici on nomma la belle veuve qu'Horace avait espere d'epouser.
"Ah! est-ce qu'il y a aussi un acte d'accusation par rapport a
celle-la?" dit Proserpine en regardant Horace d'un air de reproche a lui
donner des vertiges de vanite.
Quoique Horace fut un peu anime, il comprit qu'il avait besoin de toute
sa tete, et il s'abstint de vider son verre; il chercha a deviner dans
les regards des convives si cette petite guerre etait un piege perfide
ou une taquinerie amicale. Il crut n'y rien trouver de malveillant, et
il soutint toutes les interrogations avec enjouement. Tout ce qu'on lui
disait l'eclairait sur un point jusqu'alors mysterieux pour lui: c'est
que la vicomtesse l'avait desservi aupres de la veuve. Il voyait en
outre qu'elle avait tache de le desservir dans l'opinion de ses amis,
et la maniere dont on presentait les choses donnait a penser que cette
guerre cruelle etait le resultat de l'amour offense. Il trouvait tout le
monde dispose a le juger ainsi, et a l'absoudre, dans ce cas, des doutes
injurieux eleves contre lui par une femme irritee et jalouse. Il ne
pouvait se justifier qu'en avouant son intimite avec elle; mais il ne
pouvait l'avouer sans encourir le reproche de fatuite, qu'il repoussait
depuis un quart d'heure. Il n'avait qu'un parti a p
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