milieu d'eux; mais Horace lui temoigna tant de sympathie, l'ecouta si
avidement, s'egaya de si grand coeur a ses vieilles anecdotes, lui fit
tant de questions, lui demanda tant de conseils, en un mot le prit si
aveuglement pour guide et pour arbitre, que le vieillard, plus vain
encore que mechant, s'engoua de lui a son tour, et declara, meme a la
vicomtesse, que c'etait la le plus aimable, le plus spirituel et le
meilleur jeune homme de toute la generation nouvelle.
Horace, se voyant goute, se livra entierement. Il prit le marquis pour
confident, et le conjura de lui enseigner a plaire a la vicomtesse.
Alors il se passa dans l'esprit du maitre quelque chose d'assez etrange;
il devint pensif, serieux, presque melancolique, et frappant sur
l'epaule de son eleve;
"Jeune homme, lui dit-il, vous me mettez la dans une situation bien
delicate. Donnez-moi quelques heures pour y songer, et jusqu'a ce soir
pour vous repondre."
Le ton solennel du marquis, auquel il etait loin de s'attendre,
enflamma la curiosite d'Horace. D'ou vient que cet homme qui, dans les
epanchements railleurs, faisait si bon marche de toute morale, prenait
un air grave quand il s'agissait de Leonie? Etait-elle donc une femme a
part, meme aux yeux de ce contempteur de toute pudeur humaine? Jusque-la
elle lui avait semble degagee de prejuges (c'est ainsi qu'elle appelait
ce que d'autres appellent principes), et Horace, qui n'en avait aucun
en fait d'amour, goutait fort cette maniere de voir. Mais de ce qu'elle
n'imposait aucun frein a ses penchants, etait-ce a dire qu'elle put en
avoir d'assez prononces pour favoriser un nouveau venu au milieu d'une
phalange d'aspirants mieux fondes en titre? N'avait-elle point fait un
choix parmi ceux-la? Le comte de Meilleraie n'etait-il pas son amant?
Etait-il possible de le supplanter, et toutes ces avances qu'on semblait
lui faire n'etaient-elles pas un piege qu'on lui tendait pour le forcer
a se ranger au plus vite parmi les amants rebutes?
Pendant qu'Horace interrogeait ainsi sa destinee, le marquis revait
de son cote a la conduite qu'il tracerait a son jeune ami. Dans ce
moment-la, le vieux diplomate etait completement dupe de son disciple.
Il le jugeait si candide, si passionne, si genereux, qu'il etait effraye
des consequences de son amour pour une femme aussi habile, aussi froide,
aussi personnelle que l'etait la vicomtesse. Il craignait des orages
qu'il ne pourrait plus conjurer; et comme toute la tactique
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