mpte a les bien
exprimer; ayant dans sa personne un charme extreme, une beaute
accompagnee de grace et de distinction innee, elle ne pouvait pas,
sans souffrir, concentrer toutes ces facultes, aneantir toute cette
puissance. Elle le faisait pourtant sans amertume et sans regret depuis
qu'elle etait au monde; elle ignorait meme la cause de ces langueurs
et de ces exaltations soudaines, de ces accablements profonds et de ce
continuel besoin d'enthousiasme et d'admiration qu'elle ressentait. Son
amour pour Horace avait ete la consequence de ces dispositions excitees
et non satisfaites par la lecture et la reverie. Le theatre lui ouvrit
une carriere de fatigues necessaires, d'etudes suivies et d'emotions
vivifiantes. Arsene comprit qu'a cette ame tendre et agitee il fallait
un aliment, et il encouragea ses tentatives. Il ne se dissimula pas
certains dangers, et il ne les craignit guere. Il sentait qu'un grand
calme etait descendu dans le coeur de Marthe, et qu'une grande force
avait ranime le sien propre, depuis que l'un et l'autre avaient un but
indique. Celui de Marthe etait d'assurer a son enfant, par son travail,
les bienfaits de l'education; celui d'Arsene etait de l'aider a
atteindre ce resultat, sans entraver son independance et sans
compromettre sa dignite. C'est que jusque la, en effet, la dignite de
Marthe avait souffert de cette position d'obligee et de protegee, qui
fait de la plupart des femmes les inferieures de leurs maris ou de
leurs amants. Depuis qu'au lieu de subir l'assistance d'autrui, elle se
sentait mere et protectrice efficace et active a son tour d'un etre plus
faible qu'elle, elle eprouvait un doux orgueil, et relevait sa tete
longtemps courbee et humiliee sous la domination de l'homme. Ce
bien-etre nouveau eloigna ce que l'idee d'etre encore une fois protegee
avait eu pour elle de penible au commencement de son union avec Arsene,
Elle s'habitua a ne plus s'effrayer de son devouement, et a l'accepter
sans remords, maintenant qu'elle pouvait s'en passer. Elle ne vit plus
en lui le mari qu'elle devait accepter pour soutien de son enfant,
l'amant qu'elle devait ecouter pour payer la dette de la reconnaissance.
Arsene fut a ses yeux un frere, qui s'associait par pure affection, et
non plus par pitie genereuse, a son sort et a celui de son fils. Elle
comprit que ce n'etait pas un bienfaiteur qui venait lui pardonner le
passe, mais un ami qui lui demandait, comme une grace, le bonheur
de vivre aupres d'el
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