d'excellent ton.
La vicomtesse, qui ne rougissait point de ses fautes, rougissait fort
souvent de ceux qui les lui avaient fait commettre; et de la venait
qu'en se confessant parfois avec beaucoup de candeur, il ne lui etait
jamais arrive de nommer personne. Elle avait douloureusement commence a
nourrir cette honte mysterieuse en devenant la proie du vieux marquis.
Elle n'avait conserve avec lui que des relations filiales: mais elle
n'avait pas trouve dans ses autres amours de quoi s'enorgueillir assez
pour effacer cette blessure, et laver cette tache a ses propres yeux.
Elle en avait garde une haine et un mepris profonds pour les hommes qui
ne lui plaisaient pas, ou qui ne lui plaisaient plus; et meme a l'egard
de ceux qui etaient en possession de lui plaire, elle nourrissait une
mefiance continuelle. Elle n'avait jamais ratifie leur puissance sur
elle par des confidences a ses amis (il faut en excepter le marquis,
a qui elle disait presque tout), encore moins par des demarches
compromettantes. En general, elle avait ete secondee par la delicatesse
de leurs procedes et la froideur de leur rupture, parce que c'etaient
des hommes du monde, egalement incapables d'un regret et d'une
vengeance. Horace, pour qui elle avait failli abjurer sa prudence;
Horace, qu'elle avait juge si pur, si epris, si naif; Horace, dont elle
ne s'etait pas defiee, lui parut le plus miserable de tous, lorsqu'il
voulut s'imposer a elle pour amant aux yeux d'autrui. Elle en fut si
revoltee, que non-seulement elle jura de l'econduire au plus vite, mais
encore de se venger en ne laissant pas derriere elle la moindre trace de
ses bontes pour lui. "Tu seras puni par ou tu as peche, lui disait-elle
en son ame ulceree; tu as voulu passer pour mon maitre, et, a la
premiere occasion, je te ferai passer pour mon bouffon. Ta fatuite
retombera sur ta tete; et ou tu as seme la gloriole, tu ne recueilleras
que la honte et le ridicule."
Horace pressentit cette vengeance, et une nouvelle lutte s'engagea entre
eux, non plus pour se dominer mutuellement, mais pour se detruire.
XXIX.
Cependant nous ignorions absolument le sort de trois personnes qui nous
interessaient au plus haut point: Marthe, que nous etions deja habitues
a regarder comme perdue a jamais pour nous; Laraviniere, que ses amis
cherchaient sans pouvoir le retrouver; et Arsene, qui nous avait promis
de nous ecrire, et dont nous ne recevions pas plus de nouvelles que des
deux autres. La di
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