a gravite du mal, et dont la rapidite me
parut inexplicable, lorsque, par la suite, je tins de la bouche d'Arsene
le detail de tout ce qu'il avait souffert. Par instants, malgre la
confiance qu'il avait su lui donner, Marthe s'effrayait pourtant de
l'espece d'indifference avec laquelle il semblait attendre sa guerison
sans la desirer. Elle pensait alors que ses facultes mentales avaient
recu une grave atteinte, et craignait qu'il n'en retrouvat jamais
completement la vigueur. Mais tandis qu'elle s'abandonnait a cette
sinistre conjecture, Arsene, plein de persistance et de determination,
comptait les jours et les heures; et sentant les acces de son mal
diminuer lentement, il en concluait avec raison qu'une grave rechute
etait imminente, a moins qu'il ne gardat les renes de sa volonte
toujours egalement tendues. Il voulait donc s'abstenir de toute emotion
violente, de tout decouragement pueril, et semblait ne pas voir
l'horreur de la situation que Marthe partageait avec lui.
Un jour qu'il avait les yeux fermes et semblait dormir, il entendit la
vieille voisine exprimer de l'interet a Marthe, selon la portee de ses
idees et de ses sentiments bons et humains sans doute, mais bornes et
un peu grossiers. "Savez-vous, mon coeur, lui disait-elle, que c'est un
grand malheur pour vous d'avoir ete forcee de recueillir cet homme-la?
Vous etiez deja bien assez depourvue, et voila que vous etes obligee de
partager avec lui un pauvre morceau de pain quotidien qui vous ferait du
lait pour votre enfant!
--Que ne puis-je partager, en effet, ma bonne amie! repondit Marthe avec
un triste sourire; mais il ne mange pas une once de pain par jour dans
sa soupe. Et quelle soupe! une goutte de lait dans une pinte d'eau; je
ne comprends pas qu'il vive ainsi.
--Aussi cela va durer eternellement, cette maladie! repondit la vieille;
il ne pourra jamais retrouver ses forces avec un pareil regime. Vous
aurez beau faire, vous vous epuiserez sans pouvoir le sauver.
--J'aimerais mieux mourir avec lui que de l'abandonner, dit Marthe.
--Mais si vous faites mourir votre enfant? dit la vieille.
--Dieu ne le permettra pas! s'ecria Marthe epouvantee.
--Je ne dis pas que cela arrive, reprit la vieille avec douceur; je ne
dis pas non plus que votre devouement pour ce refugie soit pousse trop
loin. Je sais ce qu'on doit a son prochain; mais ce serait a lui de
comprendre qu'il ne se sauve de l'echafaud que pour vous conduire avec
lui a l'hopital. Le
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